L'intervention au Mali de l'armée française redouble d'intensité. Après avoir repris, le 26 janvier, la ville de Gao aux djihadistes, les troupes franco-maliennes foncent tout droit en direction de Tombouctou. Elles ne seraient d'ailleurs plus qu'à quelques encablures de cette ville martyrisée par Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) et ses organisations satellites. L'aviation française de son côté, a encore pilonné hier matin des «positions islamiste» à Kidal, une localité située à 1500 km au nord-est de Bamako. Les bombardements ont notamment détruit la maison d'Iyad Ag Ghali, le chef du groupe islamiste armé Ançar Eddine. Kidal est la première ville à avoir été conquise par les éléments du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) en mars 2012 avant qu'ils n'en soient évincés par des djihadistes. Sa reprise par les forces franco-africaines n'est également plus qu'une question d'heure. Afin, justement, de ne donner aucun répit aux terroristes, des soldats maliens, tchadiens et nigériens ont déjà commencé à se déployer dans toute la région de Gao. Objectif prioritaire de la manœuvre : occuper le terrain et «neutraliser» le plus rapidement possible les terroristes islamistes avant qu'ils ne réussissent à se réorganiser ou à se replier vers Kidal. Selon le porte-parole de l'état-major des armées françaises à Paris, le colonel Thierry Burkhard, ces forces africaines ont d'abord été projetées par voie aérienne sur l'aéroport de la ville, pris la veille par les forces spéciales françaises. «Au cours d'une action combinée, dans la nuit de vendredi à samedi, des forces spéciales et de frappes aériennes», l'aéroport et un pont stratégique sur le Niger, à quelques kilomètres de Gao, ont été pris, a-t-il dit. «La prise de contrôle de Gao, qui compte 50 000 à 60 000 habitants, par les soldats maliens, tchadiens et nigériens, est en cours», a ajouté le colonel Thierry Burkhard. Iyad Ag Ghali mis en minorité par ses frères La (re)prise de Gao est intervenue à un moment où Ançar Eddine, l'un des trois groupes islamistes armés qui occupent le nord du Mali, miné par les divergences qui opposent ses chefs, a connu une scission. Une partie de sa direction a d'ailleurs appelé jeudi à une «solution pacifique» pour régler le conflit aussitôt après avoir créé un nouveau groupe baptisé Mouvement islamique de l'Azawad (MIA). Le secrétaire général du MIA, qui dit «occuper» la région de Kidal, est Alghabasse Ag Intalla. Il est issu d'une des grandes familles touareg. Cette reconfiguration de la mouvance islamiste touareg signifie qu'Iyad Ag Ghali – qui a pactisé avec AQMI et le Mujao (Mouvement pour l'unicité du jihad en Afrique de l'Ouest) – ne bénéficie plus de la couverture politique des chefs traditionnels touareg et qu'il est mis en minorité. L'intronisation d'Alghabasse Ag Intalla en qualité de nouveau leader des «islamistes touareg» pourrait, par ailleurs, rendre possible un dialogue entre son groupe, le MIA, et les autres Mouvements rebelles touareg en vue de la présentation d'une plate-forme de revendication commune. En tout cas, Alghabasse Ag Intalla a toujours été considéré comme un modéré dans l'Azawad. Preuve en est : le Mouvement des Arabes de l'Azawad (MAA), qui regroupe le gros des membres de cette communauté dans le nord du Mali, a salué hier cette scission qui est présentée comme «un pas important» vers une solution négociée. «La scission au sein d'Ançar Eddine ayant vu la création du Mouvement islamique de l'Azawad (MIA) constitue un pas important sur la voie de la recherche d'une sortie de la crise et qui commence à prendre un tournant dangereux», a affirmé le mouvement dans un communiqué transmis à la presse. Dans la foulée, le MAA a «proclamé son entière disponibilité à travailler avec le MIA et le MNLA pour trouver une solution honorable qui garantirait au peuple de l'Azawad ses droits essentiels», a-t-il ajouté. Le MAA a affirmé, en outre, son opposition à «toute forme d'extrémisme et de terrorisme». Les effectifs de la Misma augmentés Au plan politique, l'Union africaine, réunie hier en sommet à Addis-Abeba, a déploré, par la voix de son président sortant, sa propre lenteur à agir pour «défendre» le Mali et «saluer» l'intervention militaire française sur le terrain. «Je tiens à saluer la France qui, face aux délais de réaction extrêmement longs de l'Union africaine et de la communauté internationale, a pris les devants et fait ce que nous aurions dû faire depuis longtemps pour défendre un pays membre», a déclaré le président béninois Thomas Boni Yayi, avant de passer la présidence tournante de l'UA au Premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn. M. Boni Yayi s'exprimait lors de l'ouverture du 20e sommet de l'organisation panafricaine. La France est, rappelle-t-on, intervenue militairement dans le pays en toute hâte à la mi-janvier, à «la demande des autorités maliennes», face à l'avancée vers Bamako des insurgés islamistes qui occupent le nord du pays depuis le mois d'avril 2012. Pour de nombreux observateurs, le coup de sang du président béninois se justifie dans la mesure où les troupes africaines continuent à arriver au Mali au compte-gouttes. La situation au Mali, qui fera encore l'objet d'une conférence de donateurs internationaux demain dans la capitale éthiopienne, promet encore de dominer les débats. Afin justement de hâter la libération de ce pays, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'UA avait, rappelle-t-on, décidé dès vendredi d'augmenter à près de 6000 hommes les effectifs de la force africaine et pressé le Conseil de sécurité de l'ONU de fournir une aide logistique «temporaire» d'urgence pour accélérer son déploiement. Le CPS a toutefois omis de mentionner à qui il fallait adresser la facture de tous ces efforts de guerre. La question mérite d'être posée, d'autant que tout le monde sait que les caisses de l'UA sont vides et que les «généreux donateurs» ne se bousculent pas au portillon. Du moins pas encore.