Les «amis» de M'hamed Issiakehm et l'Union des peintres, dont les bureaux se trouvent à la galerie Mohamed Racim, toute proche, n'ont pas levé le petit doigt. Les travaux de réhabilitation du mémorial de M'hamed Issiakhem (1928-1985) à Alger-Centre, confiés à une entreprise privée, sont abandonnés. Une partie seulement de l'imposante sculpture a été badigeonnée à la hâte après l'installation précipitée du chantier en octobre dernier. L'œuvre, partiellement dégradée, laisse apparaître la sculpture originale recouverte par le coffrage en ciment, réalisé par Issiakhem avec ses collaborateurs. L'œuvre du sculpteur figuratif français d'origine polonaise, Paul-Maximilien Landowski(1875-1961), connu pour avoir réalisé aussi «Le Christ rédempteur» de Rio de Janeiro au Brésil, a ressurgi du caveau aménagé par le sculpteur algérien. Des têtes de chevaux sont visibles par les visiteurs qui traversent le jardin de l'Horloge florale.Mais la crainte est grande de voir ce monument, dressé en 1929 «à la fraternité franco-algérienne scellée par le sang versé dans la guerre», se dégrader après la disparition des parois qui le protégeaient. Des couvertures usées sont accrochées aux échafaudages. Les barreaux et le grillage installés ont disparu et des amas de gravats s'amoncellent sur les marches du jardin qui fait face au palais du Gouvernement. Le risque sur les piétons est important. «L'entreprise a déguerpi quelques semaines seulement après son installation. Elle a tout laissé sur place. Les gravats et les madriers pourris par les eaux de pluie n'ont pas été enlevés. Les ouvriers ont pris seulement la peine de retirer la plaque indiquant le nom de l'entreprise», signale un retraité rencontré avec ses compères jouant aux dominos. Une source à l'APC d'Alger-Centre nous a assuré que la wilaya, à travers son EPIC EDEVAL (entreprise de développement des espaces verts d'Alger), qui gère le jardin, a pris en charge les travaux, mais les a abandonnés quelques semaines après. «L'entreprise qui n'est pas spécialisée dans ce genre de travaux n'a pas pu retaper la partie supérieure du mémorial», estime-t-on. Si l'administration n'est pas connue pour ses goûts artistiques, aucun artiste ou association n'a toutefois pris le soin de réagir et réclamer la protection des «deux œuvres superposées». Les «amis» d'Issiakehm et l'Union des peintres, dont les bureaux se trouvent à la galerie Mohamed Racim, toute proche, n'ont pas levé le petit doigt. Natif du village Taboudoucht, Azeffoun (Tizi Ouzou), Issiakhem n'aurait jamais imaginé un tel destin à son œuvre qui porte la marque d'une époque (socialisme, hommage aux moudjahidine et aux ouvriers). Ami de longue date d'un autre artiste tourmenté et engagé, Kateb Yacine, l'artiste réalisera à plusieurs projets commandés par les pouvoirs publics de l'époque. L'œuvre dressée une année après la naissance de celui qui s'est fait fort de la protéger a été réalisée par le sculpteur français. L'Indépendance de l'Algérie a précipité le départ des colons qui ont pris dans leurs bagages plusieurs sculptures, dont celle du duc d'Orléans de «placet el oud» (Place des Martyrs, Casbah). Mais pas celle de l'ancienne place des Glières.