En marge de la sortie le 22 septembre dernier en France du très controversé, "Hors la loi " de Rachid Bouchareb, les 3 Cinés Robespierre de Vitry-sur-Seine proposaient de découvrir " Alger 1960", une toile de M'hamed Issiakhem". Cette découverte s'est faite bien après une grande discussion qui a suivi la projection en compagnie des historiennes Anissa Bouayed et Ouarda Tengour. Restaurée par les soins de l'association Art et Mémoire au Maghreb (hall du cinéma), "Alger 1960" est devenue toute fraîche grâce aux mécènes sollicités avec succès par l'universitaire et critique d'art Benamar Mediene. Durant le mois de juin 2008, le village de Taboudoucht (Commune des Aghribs, wilaya de Tizi Ouzou), a rendu hommage à un illustre enfant du pays en la personne de M'hamed Issiakhem. A l'initiative de l'association qui porte son nom, la manifestation, qui a réuni un grand nombre d'artistes peintres et de compagnons de route d'Issiakhem, fut également l'occasion d'une conférence de Benamar Mediene, d'un récital de poésie de Benmohamed, et d'une projection du portrait documentaire réalisé en 1985 par Fawzi Sahraoui. Une exposition hommage a donné à découvrir les travaux des artistes participants ainsi que ceux des étudiants des Beaux-Arts d'Oran, Mostaganem, Alger et Azazga. Son ami, le défunt Kateb Yacine, a déclaré l'avoir "vu, plus d'une fois, finir une toile en quelques heures, pour la détruire tout à coup, et la refaire encore, comme si son œuvre aussi était une grenade qui n'a jamais fini d'exploser dans ses mains". Né à Taboudoucht, dans le douar des Ath Djennad en Kabylie, Mohamed, dit M'hamed, Issiakhem (1928-1985) passe son enfance à Relizane. C'est là qu'en 1943 il manipule une grenade ramassée dans un camp militaire américain, dont l'explosion provoque la mort de deux de ses sœurs et d'un neveu. Après deux années d'hospitalisation et plusieurs opérations chirurgicales, il se voit quant à lui amputé de l'avant-bras gauche. Un plasticien engagé À la fin des années 1940, M'hamed Issiakhem s'inscrit à la Société des Beaux-Arts d'Alger. Jusqu'en 1951, l'élève du miniaturiste Omar Racim suit les cours de l'École des Beaux-Arts d'Alger avant de faire la rencontre de Kateb Yacine. À Paris, où il retrouve l'auteur de Nedjma, M'hamed Issiakhem expose à la galerie André Maurice et entre à l'École supérieure des Beaux-Arts de Paris. Boursier de la Casa Velasquez à Madrid en 1962, il préfère retourner en Algérie, indépendante depuis juillet. A nouveau en compagnie de Kateb Yacine, il rejoint le quotidien Alger républicain où il passera deux années en tant que dessinateur. Plus tard professeur aux Beaux-Arts d'Alger et d'Oran, l'artiste a réalisé de nombreuses expositions en Algérie et à l'étranger avant de se voir décerner le premier Simba d'Or de la peinture, une distinction de l'Unesco pour l'Afrique, remise à Rome en 1980. M'hamed Issiakhem s'est éteint le 1er décembre 1985 à Alger, des suites d'une longue maladie. "Devant sa peinture, écrit le sociologue Benamar Mediene, Issiakhem est le déconcertant, le paradoxal, l'irrévérencieux démiurge, qui, dans sa lucidité prophétique avale de la poudre à canon et allume une cigarette. L'art, pour lui, est toujours un risque qui engage l'existence même de celui qui l'assume". De 1964 à 1966 chef d'atelier de peinture à l' École des Beaux-Arts d'Alger puis directeur pédagogique de l'École des Beaux-Arts d'Oran, il illustre plusieurs œuvres de Kateb Yacine. De 1965 à 1982 il crée les maquettes des billets de banque et de nombreux timbres-poste algériens. En 1967 il réalise avec Kateb Yacine un film pour la télévision, Poussières de juillet, en 1968 les décors du film La voie, de Slim Riad. En 1971 Issiakhem est professeur d'art graphique à l'École Polytechnique d'Architecture et d'Urbanisme d'Alger et crée les décors pour le film Novembre. Il voyage en 1972 au Viêtnam et reçoit en 1973 une médaille d'or à la Foire Internationale d'Alger pour la décoration du stand du ministère du Travail et des Affaires sociales.