Qui peut mieux parler d'Issiakhem, que Benamar Mediène : Professeur en sociologie à Aix-en-Provence, enseignant l'histoire de l'art, spécialiste de l'art maghrébin en général et d'Issiakhem en particulier. Dans la conférence qu'il a animée dimanche dernier à Aghribs, il a donné son avis sur l'hommage à Issiakhem organisé à Taboudoucht, en affirmant : « Je suis content de cet événement organisé par la société civile elle-même. Je suis ému de voir ces pierres (maison natale de l'artiste), et c'est une exigence de rebâtir ces lieux et d'en faire un lieu mémorable. » De l'artiste qu'il connaît depuis 1962, il dira qu'il avait un don extraordinaire de création et que c'était lui qui avait introduit la modernité dans l'art au sens esthétique. D'ailleurs, dira-t-il, n'importe qui, qui verrait une œuvre d'Issiakhem, dira « ça c'est du Issiakhem , comme on dirait ça c'est du Van Gogh. De ses œuvres, se dégage quelque chose qui n'a pas de nom. C'est dans l'autoportrait de 1976 que l'artiste a acquis une certaine émancipation, il se libère, se projette. M'hamed Issiakhem a fait trois autoportraits : le premier, en 1949(qui a, Dieu soit loué, survécu ; il est exposé au musée d'Alger), et c'est là que Mohamed Racim lui a fait une dédicace exceptionnelle. Le deuxième en 1976 et le dernier en 1985 ». Dans les œuvres d'Issiakhem, il est toujours question de drames ; drames vécus, drames de la société. Dans « les aveugles », on sent, dira Mediène, qu'il aurait aimé faire de la sculpture qui aurait nécessité deux mains. Le peintre, Ali Hadj Tahar (ancien élève d'Issiakhem), qui a animé la deuxième partie de la conférence-débat, confirmera ce thème préféré, visible dans ses œuvres, tel « La veuve de chahid » ainsi que son engagement. « Jamais, dira–t-il, il n'est resté insensible aux drames de la société ». L'amitié du duo Kateb et Issiakhem était en fait soudée par leur amour commun de leur peuple. Les artistes qui ont pris part à cet hommage, la famille héritière de l'œuvre de M'hamed Issiakhem, ainsi que les organisateurs, se sont quittés dimanche, non sans se promettre d'œuvrer à promouvoir l'art dans toutes ses dimensions et de rester fidèles au principe d'Issiakhem « Un pays sans artistes, est un pays mort ; et j'espère que nous sommes vivants », avait dit un jour, « l'œil de lynx ».