Le deux poids, deux mesures est pratiqué non seulement à l'égard des humains, mais également aux monuments et vestiges historiques, qui ne sont vraisemblablement pas considérés de la même manière. Certaines parties de la capitale, connues pour être mieux loties que d'autres, sont favorisées dans la prise en charge de leurs patrimoines historiques. D'autres fractions de la ville, moins nanties, ne semblent guère susciter d'intérêt dans le domaine de la préservation et de la sauvegarde des vestiges historiques qui sont les leurs. Pourtant, ces zones regorgent de matières archéologiques et pourraient, si prise en charge il y aurait, devenir des pôles touristiques d'importance nationale. Le cas illustrant bien cette situation d'exclusion est celui du Fort turc, situé dans le territoire de la commune de Bordj El Kiffan, plus précisément au lieudit Bateau-cassé. Cet édifice ottoman n'a bénéficié d'aucune prise en charge, afin de le sauvegarder des méandres du temps et de la cupidité humaine. Laissé à l'abandon, il est devenu un lieu fréquenté par les marginaux et les délinquants de tout acabit. Sur l'autre versant du littoral est algérois, et à quelques kilomètres seulement du site, un fort turc identique à celui de Bateau-cassé, se trouve sur le même prolongement de la berge, plus exactement dans la localité de Tamentfoust. Ce fort, pourvu des mêmes caractéristiques que celui de Bordj El Kiffan, a été entièrement pris en charge par les pouvoirs publics. Restauré, il abrite actuellement un musée consacré aux différentes époques historiques de la région. Les citoyens les plus soucieux du devenir du fort de Bateau-cassé n'arrêtent pas d'attirer l'attention des autorités compétentes sur la nécessité de récupérer l'édifice à des fins plus utiles, et ce, à l'instar de celui de Tamentfoust. Cependant, ces voix n'arrivent pas à se faire entendre et le fort est toujours abandonné. Entre-temps, celui de Tamentfoust a bénéficié d'une opération complémentaire de restauration. Il est question dans cette démarche déconcertante de savoir si vraiment le site de Bordj El Kiffan présente un quelconque intérêt d'un point de vue historique ou pas. Eu égard à ce traitement de faveur, nous sommes en droit de douter de la valeur archéologique du site, sinon pourquoi ce deux poids, deux mesures ? D'aucuns savent qu'il est question de l'entourage immédiat de ces deux forts. Celui de Tamentfoust est situé dans un quartier huppé, contrairement à celui de Bordj El Kiffan qui se trouve dans un lieu moins coté, qui plus est en retrait par rapport à l'agglomération.