Une atmosphère inhabituelle a régné hier à la rue Kerrouche Abdelhamid, située dans le quartier Belouizdad, juste à proximité de l'école primaire Mohamed El Ghassiri (ex-Aristide Briand). Les habitants du quartier, et autres badauds étaient tous curieux de savoir ce qui passait dans cette école, avec ces mouvements de caméra, ce va-et-vient de personnes portant des costumes d'une autre époque, et surtout ce drapeau tricolore accroché devant le portail de l'établissement. Rencontré sur les lieux ou il était en train de «préparer la scène», le réalisateur de la station régionale de l'Entv de Constantine, Hocine Nacef, lui-même enfant de ce quartier, qui semblait avoir compris les raisons de notre présence, nous orientera vers un homme qui se tenait debout tranquillement dans un coin de la rue, profitant des doux rayons du soleil en cette froide matinée d'hiver. Badredine Mili, puisque c'est de lui qu'il s'agit, s'est montré affable et disponible de prime abord. L'ex-directeur central de l'audiovisuel, ex-directeur de l'APS, ex-chargé de mission au cabinet de l'ex-Président Liamine Zeroual, lui aussi enfant de la ville, excelle dans l'art de communiquer. «Il s'agit du tournage des premières scènes du film Le dernier hiver, adapté de mon roman La brèche et le rempart», annoncera-t-il d'emblée. «Cet ouvrage fait partie d'une trilogie qui compte également Le miroir aux alouettes et Les abysses de la passion maudite», poursuit-t-il. Passionnément, au point d'oublier les préparatifs du film, Badredine Mili évoque sans en omettre le moindre petit détail, la genèse et les péripéties de ce projet qui lui tenait à cœur. «L'œuvre reconstitue l'histoire de l'Algérie contemporaine de 1945 à nos jours à travers le parcours d'un enfant-adolescent qui s'engagera dans le mouvement national et l'action politique puis dans la résistance armée, au lendemain des luttes syndicales, estudiantines et ouvrières, jusqu'à la fondation d'un Etat indépendant à l'issue d'une guerre de libération avec tous les échecs et les désillusions vécus et la grande déchirure sociale subie avec la violence du terrorisme», dira-t-il. Selon son auteur, le film est aussi une manière autre que les voies officielles de raconter l'histoire d'un pays mais aussi de la ville de Constantine à travers la saga d'une famille constantinoise, celle de Salah Eddine Hamadane, habitant le quartier populaire de Aouinet El Foul, à travers la vision d'un enfant qui sera témoin et acteur de tous les évènement qui ont marqué Constantine entre 1945 et 1962. Badredine Mili, né aussi dans ce lieu mythique du Vieux Rocher qu'est Aouinet El Foul (actuelle rue du 20 Août 1955) qui «par la force du destin historique a vu, à presque un siècle d'intervalle, la première colonne des troupes françaises dirigée par le colonel Corbin, appuyée par celle menée par le colonel Combes, venue de Bardo, soutenue par la colonne centrale sous les ordres du colonel Lamoricière avec une couverture de l'artillerie placée sur le plateau du Coudiat, sous les commandements du duc de Nemours et des généraux Damrémont et Perrégaux ; ce même quartier qui a vu l'entrée de Zighoud Youcef avec un groupe de fidaïs dans la ville pour mener les attaques du 20 août 1955», témoigne-t-il.
Des lieux chargés d'histoire Ce même lieu où se sont implantées des tribus chassées de leurs terres dans le nord constantinois, avant de devenir l'un des terreaux du mouvement national dans la ville, a vu naître et grandir Messaoud Boudjeriou, Ali Zaâmouche, Abdelhamid Kagouche, ceux-là mêmes qui mèneront la bataille de Constantine aux cotés des Hamlaoui, Meriem Bouatoura, Abdelmalek Kitouni, Mostefa Aouati et d'autres. Parmi les évènements que le film aura à défiler, l'auteur du scénario citera ceux du 8 mai1945, les deux visites du général De Gaulle (1942 et 1958), le discours de Ferhat Abbas au théâtre de la ville face à la brèche en 1946, le défilé des militants du PCA, les premiers attentats de la guerre de libération contre le Casino et le commissariat central, les manifestations des étudiants en 1956, l'évasion de Benboulaïd de la prison du Coudiat, l'exécution des moudjahidine condamnés à mort à la prison de la Casbah, la grève des commerçants, le 11 décembre 1960 et enfin la liesse de l'Indépendance. Le film d'une durée de 4 heures 30, sera tourné dans plusieurs lieux historiques de la ville, dont Souika, la Casbah, Aouinet El Foul, Echaraâ, Belouizdad (ex-Saint Jean), ainsi que l'école primaire Mohamed El Ghassiri (ex-Aristide Briand), le lycée Redha Houhou (Ex-Duc D'Aumale), et le site de la ferme Ameziane. Réalisée par Hocine Nacef, l'œuvre dont la distribution a donné plus de chance aux jeunes talents, verra la participation de Zaoui Mohamed-Tahar (qui a campé le personnage principal dans le film Aissat Idir) dans le rôle de Salah-Eddine Hamadane, aux cotés de Mouni Boualam, dans le rôle de son épouse Zouaki, ainsi que des acteurs du théâtre régional de Constantine à l'instar de Noureddine Bechkri, Karim Boudechiche, Djamel Dekkar et autres en plus de pas moins de 150 figurants. Il devra être projeté le 5 juillet prochain. «Le film tente de réhabiliter Constantine dans son rôle de capitale du mouvement national surtout qu'elle était la base principale de l'action de résistance dans la wilaya II historique», conclut Badredine Mili.