L'organisation non gouvernementale Human Right Watch (HRW) a publié, jeudi dernier, son rapport 2013 sur les droits de l'homme dans le monde. Le cas Algérie y figure bien sûr, avec son lot d'atteintes aux droits humains, notamment en matière de libertés de réunion, d'association et d'expression. «Les nouvelles lois adoptées en janvier 2012, ainsi que l'annonce en 2011 de la levée de l'état d'urgence en vigueur depuis 19 ans et la mise en place d'importantes réformes constitutionnelles et électorales n'ont guère donné aux Algériens une plus grande liberté pour s'associer, former des partis politiques ou exprimer leur opinion», note dès l'entame le rapport de HRW. Il est souligné aussi que «les autorités ont invoqué d'autres lois et réglementations répressives pour étouffer les voix dissidentes et juguler les activités relatives aux droits humains, notamment la loi de 1991 régissant le droit à la liberté de réunion qui exige l'obtention d'une autorisation préalable pour les manifestations publiques». Evoquant les élections législatives de mai 2012 donnant à la coalition au pouvoir une majorité de sièges, HRW relève que plusieurs formations politiques ont accusé le gouvernement de fraude électorale. Ceci et de noter que «les forces de sécurité et les groupes armés ont continué de jouir d'une impunité générale pour les atrocités perpétrées au cours de la guerre civile des années 1990. L'Etat a offert des indemnisations aux familles des victimes de disparitions forcées survenues pendant cette période, mais n'a apporté aucune réponse à propos du sort qui leur a été réservé». Dans le chapitre «liberté de réunion», le rapport de HRW indique que «tout au long de l'année 2012, les autorités algériennes ont continué de limiter fortement la liberté de réunion, recourant à des techniques préventives, bloquant par exemple l'accès aux lieux prévus pour des manifestations et procédant à des arrestations pour empêcher ne fut-ce que l'amorce de contestations publiques, tout particulièrement lorsque le but de la manifestation était jugé politiquement sensible». Par ailleurs, au chapitre «liberté d'association», HRW relève que «la nouvelle loi sur les associations, que le Parlement a adoptée le 12 janvier 2012, contient bon nombre de nouvelles dispositions qui octroient des pouvoirs considérables au gouvernement pour contrôler les associations». Cette loi, précise l'ONG internationale, «conserve le régime en vigueur d'agrément préalable pour les associations et confère aux autorités de vastes pouvoirs discrétionnaires les habilitant à refuser l'octroi d'un statut juridique à de nouvelles associations sans demander d'abord une ordonnance d'un tribunal». Est cité l'exemple du refus d'accorder l'agrément à une association dont l'objet ou les buts sont considérés «contraires à l'ordre public, aux bonnes mœurs et aux dispositions des lois et règlements en vigueur». La liberté d'association en danger Les autorités peuvent également «dissoudre des associations pour des motifs généraux», notamment pour «ingérence dans les affaires internes du pays, atteinte à la souveraineté nationale, réception de fonds étrangers sans autorisation préalable et exercice d'activités autres que celles prévues dans leurs statuts». Toute participation à «une association non reconnue, suspendue ou dissoute peut donner lieu à une peine d'emprisonnement». Concernant la liberté d'expression, il est précisé dans le même rapport que même si la peine d'emprisonnement a été supprimée pour les délits de presse, le montant des amendes a nettement augmenté. Aussi, la nouvelle loi a également «élargi les restrictions frappant les journalistes en exigeant qu'ils respectent une série d'objectifs formulés en termes vagues et en prévoyant des sanctions pouvant être ordonnées par un conseil professionnel d'éthique en cas d'infractions». Les délits d'expression continuent d'être omniprésents dans le code pénal, qui prévoit jusqu'à trois ans de prison pour «des tracts, bulletins ou papillons qui sont de nature à nuire à l'intérêt national» et jusqu'à un an pour diffamation ou injure à l'encontre du président de la République, du Parlement, de l'armée ou d'institutions publiques. HRW relève en outre que la charte portant paix et réconciliation nationale a endigué la poursuite du débat et de l'examen des atrocités commises pendant cette période : elle prévoit jusqu'à cinq ans d'emprisonnement pour quiconque «instrumentalise les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne, nuire à l'honorabilité de ses agents qui l'ont dignement servie ou ternir l'image de l'Algérie sur le plan international». L'examen du cas algérien contient en outre la dénonciation des cas de harcèlement judiciaire contre les militants des droits de l'homme et dirigeants syndicaux. Concernant le statut des femmes, HRW fait remarquer que «le code du statut personnel est discriminatoire à l'égard des femmes dans les domaines de l'autorité parentale, du divorce et de l'héritage». Quant au chapitre «lutte contre le terrorisme», l'organisation de défense des droits de l'homme conclut en notant qu'«après que Bouteflika eut levé l'état d'urgence, les autorités ont transféré dans des centres de détention officiels les terroristes présumés qui se trouvaient assignés à résidence» depuis plusieurs années sans aucun contrôle juridictionnel. Cependant, de longs retards ont affecté leurs procès, les juges refusant de citer à comparaître certains témoins-clés et reportant à maintes reprises leurs audiences. En 2012, «les procès de Hassan Hattab, Amari Saïfi et Kamel Djermane, trois terroristes présumés détenus au secret pendant plusieurs années et traduits en justice après la levée de l'état d'urgence, ont été plusieurs fois reportés». Ceci et de préciser que «le rapporteur spécial de l'ONU sur la torture, les Groupes de travail de l'ONU sur les disparitions forcées ou involontaires (GTDFI) et sur la détention arbitraire (GTDA), ainsi que le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ont continué à se voir refuser l'accès au territoire algérien».