Chaque année, des milliers de nouveaux diplômés quittent les bancs de l'université et vont gonfler les rangs des demandeurs d'emploi dans divers domaines d'activité. De leur côté, les entreprises économiques sollicitent constamment l'offre existante sur le marché du travail dans leur quête de nouvelles compétences pour renforcer leurs staffs et étoffer leurs ressources humaines. Mais, la compatibilité entre les jeunes diplômés et le profil recherché par les employeurs est rarement trouvée. Une série de conférences et des ateliers de travail ont été organisés la semaine dernière à l'ENSA (Ecole supérieure agronomique) d'Alger par une délégation de la Faculté de l'agriculture et de l'alimentation (FSAA) de l'Université Laval du Québec, dans le cadre d'une convention qui lie les deux établissements d'enseignement supérieur. Les thématiques débattues à cette occasion sont directement liées aux attentes réelles et concrètes du secteur agricole et des industries agroalimentaires. Dans le même cadre, des sorties de terrain ont été organisées auprès des instituts techniques spécialisés en agriculture et au complexe de Cevital Food à Béjaïa. Des éléments de partenariat pertinents ont été mis en avant en matière de formation et de recherche, notamment pour le co-encadrement des doctorants et la mobilité des étudiants pour des stages scientifiques dans le cadre du système LMD. Dance ce cadre, le professeur Khaled Belkacemi, de l'université Laval du Québec, a animé une conférence sur la «nanotechnologie et les possibilités de révolutionner l'agriculture et l'industrie agroalimentaire». Il a ainsi mis en exergue les principaux progrès scientifiques enregistrés au niveau mondial en matière de recherche sur les nanoparticules, ainsi que le potentiel d'application de celles-ci au niveau de différents secteurs économiques. Dans son exposé, le professeur a démontré comment «ces nanotechnologies offrent des possibilités avérées pour résoudre certaines problématiques cruciales qui se posent aujourd'hui, et certainement demain, dans les systèmes de production agricole, agroalimentaire et de l'environnement en Algérie. Par exemple, la salinité des sols dans différentes zones du pays, générée par les phénomènes climatiques et accentuées par des pratiques culturales inadaptées au niveau des systèmes de cultures et de productions agricoles, peut être réduite par l'application des nanotechnologies pour adoucir les eaux d'irrigation». C'est là une illustration parfaite des avancées enregistrées dans le domaine de la recherche scientifique, qui tente sans cesse de s'adapter aux attentes du terrain. Mais qu'en est-il de l'Algérie ? Le constat est peu réjouissant. Tel que le reconnaît Chérif Omari, enseignant-chercheur à l'ENSA, «le retard en matière de maîtrise et d'application des nanotechnologies dans l'agriculture et le génie agroalimentaire est immense.» Mais des efforts sont désormais consentis pour se mettre au diapason des nouveaux standards et des besoins exprimés. C'est, d'ailleurs, «ce type de partenariat avec l'université Laval qui exprime la volonté de l'ENSA à œuvrer à la maîtrise de ces technologies de pointe, fondée sur la formation de la ressource humaine et l'acquisition des compétences scientifiques», estime encore M. Omari. Décalage avec les attentes de la société Consciente des mises à niveau qui doivent impérativement être opérées, la sphère universitaire est interpellée pour s'adapter davantage aux nouveaux défis que pose le monde économique. En effet, à l'ombre des progrès technologiques impressionnants et effrénés que subissent les secteurs économiques, l'adaptation des programmes d'enseignement aux nouveaux besoins du marché du travail constitue un défi majeur. Telle que présentée par le professeur Youcef Berkane de la faculté d'économie et de gestion de l'université de Sétif dans son étude intitulée «Ajustement, développement durable et enseignement supérieur au Maghreb», la problématique de la qualité de l'enseignement est étroitement liée aux réformes économiques opérées à l'orée de l'entrée dans l'économie de marché. Il soulignera : «Un des problèmes majeurs des pays du Maghreb est que de plus en plus de jeunes sortent des établissements d'enseignement supérieur sans pouvoir trouver un emploi, alors qu'il y a quelques années ils avaient même le choix entre plusieurs emplois. L'Etat avait une fonction prépondérante en matière d'accumulation et de redistribution et plus particulièrement dans le domaine de l'emploi et de la formation. Les systèmes d'enseignement supérieur sont en grande partie publics et préparent à un travail salarié et stable dans le secteur public. Or, nous constatons qu'avec l'adoption des programmes d'ajustement structurel, qui constituent une composante essentielle des politiques d'intégration des économies nationales dans un système mondial, et au fur et à mesure de la privatisation des entreprises publiques et de la mise en œuvre des réformes économiques, le secteur étatique commence à se fermer aux diplômés de l'enseignement supérieur et joue de moins en moins son rôle régulateur du marché du travail.» C'est d'ailleurs pour échapper à cet engrenage que Mme Rosa Issolah, directrice de l'ENSA, estime qu'«il est temps de recentrer les thématiques de recherche autour des questions pertinentes avec des travaux qui intéresseraient le monde de l'entreprise et le secteur économique dans son ensemble.» Cette démarche se veut une orientation vers «la recherche utile». Du coup, elle invitera les 28 doctorants actuellement inscrits à l'ENSA à multiplier les efforts pour mettre en valeur les résultats de leurs travaux de recherche à travers des publications dans des revues scientifiques, car, le jour de la soutenance, les nouveaux docteurs seront évalués sur la base de leurs productions, ou publications. Toutefois, elle n'a pas omis d'ouvrir une brèche sur une autre lacune non moins importante et qui est liée au «décalage entre les publications scientifiques existantes et les attentes de la société».