En trente ans de carrière professionnelle, Nadia Benyoucef a su se montrer discrète envers la presse, mais prolifique dans son travail. Dans cet entretien exclusif, la chanteuse arabo-andalouse nous parle de certains sujets qui lui taraudent l'esprit. Elle revient avec passion sur son duo avec Samir Toumi, un produit sorti dernièrement aux éditions Atlas. Vous venez de livrer sur le marché national, à vos mélomanes, en l'espace de quelques jours, deux CD. L'un sur l'ineffable Casbah d'Alger et le second, un duo avec Samir Toumi. Est-ce que c'est voulu d'offrir à vos mélomanes deux performants produits ? La sortie de ces deux CD est involontaire de ma part. C'est plutôt l'éditeur qui a décidé de mettre sur le marché national mes deux derniers produits, l'un après l'autre. Reconnaissons qu'il y avait beaucoup de sujets. Il fallait donc profiter de cette occasion pour justement pouvoir les enregistrer sur CD. Dans les années 1980, vous avez enregistré des duo entre autres avec Abdelkader Chaou, l'inoubliable chanson El Oualdine et avec Nouri Koufi. Pourquoi avoir récidivé avec Samir Toumi ? J'ai effectivement fait plusieurs duo avec Abdelkader Chaou et un seul avec Nouri Koufi. Je garde de bons souvenirs de cette époque et de ses expériences. C'est beaucoup plus pour encourager la génération montante que j'ai choisi de faire un duo avec le performant Samir Toumi. Le choix n'a pas été difficile. Samir Toumi détient avant tout une belle voix. C'est également une prestance artistique remarquable. Il faut qu'il ait une relève. Vous semblez privilégier les sujets sociaux . En témoigne le duo à la fois émouvant et pathétique Ya khti ya khouya Effectivement, j'accorde une importance particulière aux sujets de société. Je tiens à préciser que les paroles de Ya khti Ya khouya ne sont pas de moi. Elles sont signées de Selma Angar. Pour la petite histoire, je me suis inspirée d'une amie qui a perdu ses parents. En tant que sœur aînée, elle a dû faire face aux responsabilités familiales. Il est vrai que j'ai déjà traité du rapport entre la mère et le père dans mon célèbre duo avec Abdelkader Chaou dans El Oualdine. Il ne me restait plus qu'à mettre en exergue la sœur et le frère. C'est une continuité. N'est-ce pas ? Justement, en tant que spécialiste dans l'interprétation de la musique arabo-andalouse, pensez-vous que la relève est assurée en Algérie ? Je dirais que la relève est mineure, mais elle existe. Il est indispensable que cette relève donne le bon exemple d'elle-même pour pouvoir évoluer dans le milieu artistique. Etre chanteur et monter sur scène, n'est pas chose aisée. Cela demande des années de durs labeur. C'est une profession qui doit avoir une solide base. Je demande à la nouvelle génération de respecter les textes et la musique au moment de l'interprétation. Il est important de se respecter soi-même en tant qu'artiste. Ce sont incontestablement des facteurs importants. Quel regard portez-vous sur l'évolution de la musique andalouse ? Je pense que la musique andalouse a pris un essor considérable. Elle s'est quelque peu modernisée compte tenu de mes débuts. J'estime qu'on a le droit de moderniser les modes, mais sans dénaturer le texte. A titre d'exemple, quand on travaille sur le mode el ghrib, on peut légèrement le moderniser. La musique andalouse a ses dérivés. En effet, de la musique hawzi, nous avons la musique andalouse, de la musique andalouse, on a la musique chaâbi, de la musique chaâbi, on a la musique moderne dite el ansri. Il faut évoluer avec son temps sans perdre toutefois du cachet particulier. Qui étaient vos maîtres de référence ? Il y en a eu beaucoup. Dans le domaine de la chanson, je citerai la grande Fadhila Dziria, le phénix de la chanson chaâbi M'hamed El Anka. Je suis et je reste sensible à tous les genres musicaux. Parmi les compositeurs et les paroliers, il y a eu Mahboubati, Maâti Bachir, Rabah Driassa et tant d'autres.