Des soldats français et tchadiens sont arrivés jeudi 8 février à Aguelhok, dans l'extrême nord-est du Mali, dans la région de Kidal, qui constitue le dernier fief des groupes islamistes armés. Objectif n°1 : prendre Tessalit avant de poursuivre la traque des éléments d'Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI). Désormais, c'est chose faite. Après une opération de ses forces spéciales, l'armée française contrôle en effet, depuis hier, cette localité. Une «opération aéro-terrestre a eu lieu durant la nuit ; des éléments français des forces spéciales ont été parachutés sur l'aéroport de Tessalit», a déclaré à la presse le porte-parole de l'état-major de l'armée française, le colonel Thierry Burkhard avant de confirmer le contrôle de Tessalit. Les régions d'Aguelhok et de Tessalit, distantes de Kidal d'environ 200 km, sont la cible depuis plusieurs jours d'intenses frappes aériennes françaises, visant des dépôts logistiques et des centres d'entraînement des groupes islamistes. Aguelhok, qui se trouve à moins de 300 km de la frontière algérienne, avait été le théâtre, en janvier 2012, du massacre d'une centaine de soldats et de civils maliens, peu après la prise de la ville par des rebelles touareg et des islamistes armés. Elle se situe dans le massif des Ifoghas, vaste zone de montagnes et de grottes où, selon des experts et des sources de sécurité, une bonne partie des chefs et des combattants des groupes islamistes se sont réfugiés. Parmi eux se trouveraient Abou Zeïd, un des émirs les plus radicaux d'AQMI, et Iyad Ag Ghaly, chef d'Ançar Eddine, un ex-rebelle touareg malien des années 1990, originaire de Kidal, qui connaît parfaitement la région. C'est dans cette région difficile d'accès et presque aussi vaste que la Tunisie que les sept otages français au Sahel seraient détenus. Et l'un des prochains objectifs des troupes franco-tchadiennes sera justement de les libérer et de neutraliser leurs ravisseurs. Pour le moment, aucun combat n'a été signalé dans la région. Un porte-parole du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) a toutefois assuré, jeudi, avoir ouvert un nouveau front face aux soldats français, maliens et africains en minant massivement les routes qu'ils doivent emprunter. «Nous avons réussi à créer une nouvelle zone de conflit, à organiser des attaques de convois et organiser des kamikazes», a déclaré dans un communiqué Abou Walid Sahraoui. «Nous appelons les citoyens à ne pas se déplacer sur les routes nationales parce qu'il y a danger de champs de mines», a-t-il souligné, tout en «exhortant au djihad contre les régimes infidèles pour établir la charia et libérer les musulmans». Libérer les otages et traquer AQMI Le Mujao, l'un des groupes islamistes armés qui ont contrôlé le nord du Mali pendant plus de neuf mois, multipliant les exactions, a ainsi revendiqué deux récentes explosions de mines qui ont frappé des véhicules de civils et de soldats maliens. Les militaires français ont fait part, à plusieurs reprises, de leur vigilance à l'égard d'éventuelles mines ou bombes artisanales que les islamistes auraient pu dissimuler avant de prendre la fuite. En particulier, le trajet entre Douentza et Gao (environ 400 km) est dangereux en raison des mines qui y ont été dissimulées. Le 31 janvier, deux soldats maliens avaient déjà été tués dans une explosion, sur la même route. Connaissant parfaitement le modus operandi d'AQMI, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a lui aussi souligné, jeudi à New York, les risques d'une guérilla au Mali tout en se réjouissant du succès de l'offensive militaire française. «Les opérations militaires ont jusqu'ici été efficaces et réussies», a-t-il estimé devant quelques journalistes, soulignant que «les djihadistes, les groupes armés et les éléments terroristes ont semble-t-il fui». «Mais notre préoccupation est qu'ils pourraient revenir. Ils ripostent dans certaines zones (...) et cela pourrait affecter les pays de la région», a-t-il ajouté. En tout cas, le secrétaire général de l'ONU a eu raison d'appeler à la vigilance. La preuve : un kamikaze s'est fait exploser, hier, à Gao, dans le nord-est du Mali. Il est mort sur le coup près de soldats maliens dont l'un a été légèrement blessé. En dehors de cet événement, la situation reste calme et surtout maîtrisée dans la majorité des villes reconquises par les forces franco-maliennes. Seule la capitale, Bamako, a fait hier exception. Plusieurs personnes ont été blessées dans l'attaque du camp des Bérets rouges, proches d'Amadou Toumani Touré, président renversé l'an dernier par des soldats des autres corps de l'armée malienne. Cette attaque, qui illustre les divisions au sein de l'armée malienne, laminée par les groupes islamistes armés et les rebelles touareg en 2012, semble motivée par le refus des Bérets rouges de quitter leur camp à Bamako et d'être réaffectés dans d'autres unités pour aller combattre les islamistes dans le Nord. Elle s'est produite le jour où étaient attendus dans la capitale les premiers conseillers européens chargés de restructurer l'armée malienne.