Alors que les violences à l'encontre des figures de l'opposition démocratique se sont poursuivies vendredi avec le pillage et la destruction de la voiture de l'ex-secrétaire général de l'UGTT, Abdessalem Jrad, ainsi que celle du secrétaire général de l'Union régionale du travail de Jendouba, l'enquête concernant l'assassinat par balle mercredi de Chokri Belaïd, le responsable du Parti des patriotes démocrates, piétine toujours. Abdelmajid Belaïd, frère aîné de Chokri Belaïd, a également déclaré sur les ondes de la radio Express Fm que la famille de défunt a reçu vendredi des menaces. Leurs auteurs promettaient de profaner le tombeau de Chokri Belaïd. Eu égard à ce constat aussi alarmant que décevant, l'organisation Avocats sans frontières (ASF) a appelé hier les autorités tunisiennes à mener une enquête indépendante et impartiale sur la mort du leader politique. «Seules de telles garanties permettront de rendre la justice sur l'assassinat de M. Belaïd, qui était aussi avocat et défenseur des droits de l'homme», ont fait savoir les animateurs de ASF. «Nous présentons nos sincères condoléances à la famille de M. Belaïd, figure incontournable de l'opposition en Tunisie. Sa parole libérée et son engagement politique lui ont coûté la vie. Cet acte est inacceptable dans un Etat de droit et ne peut rester impuni», a ajouté Mme Francesca Boniotti, directrice générale d'ASF à Bruxelles. L'organisation non gouvernementale ASF se félicite néanmoins du début rapide de l'enquête menée par les autorités tunisiennes, mais insiste pour que cette enquête présente de véritables garanties d'indépendance et d'impartialité, afin que justice soit rendue. «Dans le contexte actuel, seules de telles garanties peuvent apaiser les esprits et contribuer à restaurer la confiance des Tunisiens en la justice de leur pays. Pour cela, associer des personnalités au-dessus de tout soupçon – voire des enquêteurs internationaux – à la recherche de la vérité, pourrait être envisagé», suggère Mme Boniotti. Plus généralement, ASF s'est inquiète de la multiplication des actes de violence qui secouent la société tunisienne et du sentiment d'impunité régnant vis-à-vis de ces actes. Partant, l'organisation appelle les autorités à mettre en place les conditions permettant l'expression des différents courants d'opinions et de pensées dans un climat de stabilité et de sécurité. Une police secrète à l'œuvre ? Si, donc, au plan officiel il n'y a encore rien de concret concernant le meurtre de Chokri Belaïd, la presse tunisienne porte cependant déjà ses soupçons sur un certain Mehrez Zouari qui serait le directeur général des opérations spéciales au ministère tunisien de l'Intérieur. Il est, en tout cas, désigné depuis vendredi soir comme étant le commanditaire de l'assassinat du leader de la extrême gauche tunisienne. Ces révélations ont été divulguées par Zied El Hani, membre de la direction du syndicat de journalistes tunisiens. M. El Hani a affirmé sur son compte facebook avoir reçu ces informations d'une source policière. Mehrez Zouari aurait, a-t-il dit, été promu au poste de directeur général des opérations spéciales par Hbib Ellouz, un membre influent du bureau exécutif du parti Ennahda. La source de Zied El Hani révèle ainsi que Mehrez Zouari a recruté dernièrement dans la clandestinité la plus absolue une vingtaine de jeunes qui ont, par la suite, reçu des entraînements intensifs (arts martiaux, tirs aux armes, etc.). Ces derniers seraient justement destinés à mettre en œuvre un plan d'élimination de personnalités de l'opposition. Suite à ses déclarations, le journaliste Zied El Heni a été convoqué hier par le tribunal de première instance de Tunis afin d'être entendu par les enquêteurs chargés d'élucider le meurtre de Chokri Belaïd. Il faut dire que les révélations de Zied El Heni ont eu l'effet d'une véritable bombe dans le microcosme politique tunisien et risque de porter un lourd préjudice à l'avenir d'Ennahda. Si ces accusations se confirment, il est à parier à tout le moins que l'actuel état-major d'Ennahda sera politiquement grillé. Rached Ghannouchi en tête.