A moyen terme, l'élan qu'ont connu certaines filières de l'industrie pétrochimique en termes de développement sur le marché national comme à l'international risque de fléchir sous le poids des prolongements des retombées de l'attaque du site gazier d'In Amenas. Du moins en ce qui concerne les complexes pétrochimiques implantés dans la zone industrielle d'Arzew. Le climat d'inquiétude qui s'est emparé de nombre de partenaires étrangers à la suite de la spectaculaire prise d'otages de Tiguentourine et le nouveau dispositif de sécurité mis en place depuis le 27 janvier dernier pour rendre optimale la sécurité sur ce pôle névralgique y sont pour quelque chose.Et la société algéro-espagnole Fertial est parmi les entreprises qui commencent déjà à en subir les contrecoups. La mise en route du grand projet relatif à la rénovation de l'ensemble des installations de l'unité 2, en fin de vie, de l'usine d'Arzew pourrait être compromise. A cela deux raisons majeures, endogène et exogène : depuis des semaines, le personnel, notamment celui affecté au travail posté, est tenu de se conformer à la décision prise par les autorités militaires leur interdisant l'usage du véhicule pour rejoindre leur lieu de travail. Une autre contrainte est déplorée : l'insuffisance des moyens de transport mis à leur disposition, à laquelle vient se greffer l'incompatibilité des horaires avec la nature des postes qu'ils occupent dont le caractère sensible suppose une concentration et une vigilance absolues, explique une source syndicale. «Du fait de toutes ces mesures, le travailleur de l'équipe de nuit qui, faut-il le noter, manipule des machines sensibles et des produits chimiques dangereux se voit contraint de dépasser ses heures de travail habituelles, son collègue de l'équipe de jour devant assurer la relève arrive souvent en retard. La baisse de vigilance induite par la fatigue, même minime, risque d'avoir des conséquences irrémédiables. Cette situation, nos collègues du complexe Ammoniac/Urée Sorfert Algérie la vivent quotidiennement», s'indigne la même source. Par ailleurs, se heurtant au niet des compagnies d'assurance pour la couverture de son déplacement en Algérie, le groupe d'ingénieurs et techniciens italiens qui était attendu à l'usine d'Arzew ne peut, pour le moment, être dépêché sur place par la société américaine à laquelle aurait fait appel Fertial à la faveur du projet de rénovation des installations. Le lancement des travaux, initialement prévu en ce début 2013, et pour lesquels des investissements de l'ordre de 3,5 milliards de dinars ont déjà été mobilisés pourrait, à ce titre, être différé. Et, bien que l'enjeu pour Fertial, fruit du partenariat conclu en 2005 entre la Holding Asmidal et le Groupe ibérique Villar Mir - 34 et 66 % -, soit de taille, l'administrateur directeur général Jorge Requena Lavergne reste tout de même confiant : «En ce qui nous concerne, ce n'est pas l'affolement. Les mesures prises par l'Etat pour optimiser la sécurité dans la zone d'Arzew sont souveraines et nous sommes tenus de nous y conformer. Mais, au fil du temps, ce climat de tension qui y règne actuellement va, au fil du temps, se dissiper.» Aussi, tient-il à souligner, «après un audit exhaustif, le conseil de sécurité de wilaya a exprimé sa satisfaction du dispositif de sécurité déjà en œuvre au sein des deux usines. Pour ce qui est de la mesure relative à l'escorte des expatriés espagnols par les services de sécurité dans tous les déplacements à la suite des derniers événements d'In Amenas, rien n'a encore été officiellement décidé. Quant à notre projet pour l'unité 2 de l'usine d'Arzew, nous sommes déterminés à réunir les conditions nécessaires pour le mener à bien et atteindre nos objectifs de production. Très vieille, l'unité tourne actuellement très en deçà de ses capacités nominales de l'ordre de 300 000 t/an.» Pour lui, donner une nouvelle vie aux installations de base est susceptible de conforter l'entreprise dans son ambition de porter, à court terme, sa production à hauteur d'un million de tonnes d'ammoniac, son produit phare, et de là être en mesure de grignoter des parts de marché plus conséquentes aux géants mondiaux, a indiqué Jorge Requena Lavergne. 245 000 tonnes d'engrais en 2012 pour le marché local Sur l'arène internationale, l'Algérie demeure, à ce jour, quasi-inexistante : près de 800 000 t en moyenne, produites et exportées à plus de 90%, contre 151 millions t/an produites dans le monde ou encore contre 19 millions t/ an échangées sur le marché international. Lequel marché, faut-il le souligner, connu pour sa fermeté, se caractérise par la complexité des techniques de négoce là où agissent plusieurs facteurs tels que le circuit de commercialisation et l'environnement géopolitique et économique dans lequel évolue le produit. Par ailleurs, même s'ils ont été vivement secoués par ce que viennent de vivre leurs collègues du complexe gazier de Tiguentourine, les 1295 salariés des deux usines - Annaba et Arzew - sont, néanmoins, tous motivés pour se tourner vers l'avenir. Le choc qu'ils ont subi a vite été oublié dans l'euphorie générée par les résultats atteints en 2012. «Une année exceptionnelle. Les six derniers mois ont été plus positifs que ce qu'on avait espéré», se félicite, chiffes à l'appui, le représentant de Villar Mir en Algérie. D'autant que, en 2012, des dizaines de capacités de production d'Europe ont disparu en raison de la sévère crise économique, d'autres ont dû ralentir leur rythme de production du fait de la hausse des prix du gaz. C'est le cas par exemple aux USA, où l'on décide du fonctionnement des usines suivant le comportement des cours du gaz. Avec l'Europe de l'Ouest - principal client de Fertial -, ils consomment, à eux seuls, plus de 30 millions de tonnes métriques. A cela, il faut ajouter les besoins sans cesse croissants exprimés en Chine et en Asie du sud. D'où la tendance haussière de la demande et le besoin continuel d'augmentation de production soit par la construction de nouvelles usines soit par la rénovation de celles existantes. Ce, justement, pour quoi a opté la société mère Villar Mir en offrant un lifting aux usines de sa filiale algérienne, et ce, sous l'œil bienveillant de sa «marraine» Fertiberia. Car, au finish, c'est à elle que revient l'appréciation des résultats de ce lifting. Depuis le rachat du complexe, les ventes à l'international de l'ammoniac «made in Algeria» passent obligatoirement par elle. A cela, une raison qui tire sa légitimité du fait que sans cette filiale espagnole qui maîtrise les circuits internationaux de commercialisation et les techniques du négoce - elle pèse 2 millions de tonnes des exportations mondiales -, Fertial peinerait à préserver son «strapontin» d'où elle peut être facilement éjectée par les 14 géants qui contrôlent 88% des exportations mondiales. Surtout que le marché vient d'accueillir deux nouveaux acteurs, le Qatar et l'Arabie Saoudite avec des usines de quelque 2 MT. En revanche, la place de choix de Fertial sur le marché algérien des engrais, tous types confondus, est un acquis. Et, en termes relatifs, un autre exploit est à inscrire à son actif : en 2012, elle a fourni à l'agriculture nationale plus de 245 000 t, un record jamais égalé depuis les dix dernières années.