Abderrazak Bouhara, l'homme qui devait devenir le nouveau patron du FLN, est décédé dimanche, plongeant le parti dans de nouvelles de turbulences. 1- Le FLN a perdu son candidat du consensus et ne sait plus qui choisir
Le camp majoritaire devait, cette semaine, annoncer Abderrazak Bouhara au poste de secrétaire général du parti et fixer la date de la tenue de la session du comité central…mais le décès du candidat du «consensus» a mis fin à la campagne menée par l'ancienne garde pour imposer son choix et fixer sa feuille de route. «Le nom de feu Bouhara a été avancé pour succéder à M. Belkhadem, confirme un membre du comité central. Il semble qu'un début de consensus est apparu autour de son nom, du moins pour une période de transition jusqu'à la tenue du prochain congrès.» Il faut dire que de fortes résistances sont apparues au sein même du camp majoritaire pour contester ce choix. Certaines personnalités politiques du parti n'ont pas caché, en privé, leur refus de cautionner cette décision. Il aura fallu l'intervention discrète de certains cercles du pouvoir pour rappeler à l'ordre les plus récalcitrants et imposer la discipline au sein de la formation. «Certains ont commencé à s'agiter pour contester cette approche consensuelle pour des raisons claniques et d'intérêts personnels et régionalistes, révèle Abdelaziz Djerad, membre du comité central. Les rivalités sont dominées par des considérations subjectives, caractérisées par le clientélisme, le régionalisme dévastateur et l'obédience aveugle au pouvoir.» Face à cette impasse politique inédite dans l'histoire du parti, des responsables penchent actuellement pour la constitution d'une direction collégiale avec à sa tête une personnalité qui coordonnerait l'instance dirigeante, alors que d'autres voix s'en remettent au président d'honneur du parti, Abdelaziz Bouteflika, pour mettre fin à la situation actuelle. «Le président du parti peut intervenir pour mettre fin à l'impasse dans laquelle se trouve le parti, estime Boudjemaâ Haïchour, l'un des premiers à avoir mené la fronde contre Belkhadem. Le FLN est majoritaire à l'APN, présent en nombre au sein du Conseil de la nation et dans de nombreuses wilayas et assemblées communales. C'est pour cela que je dis que toutes ses institutions pourraient être perturbées à leur tour, si rien n'est fait.» 2- Bouhara incarnait la légitimité
«Le décès de Abderrazak Bouhara complique la donne, estime Abdelaziz Djerad. Car aucune personnalité n'est capable, du moins pour l'instant, de créer une dynamique consensuelle autour d'elle.» L'homme pouvait se prévaloir de ne pas avoir de dossiers compromettants qui pouvaient être utilisés contre lui. Chef de file du courant représentant l'aile gauche du FLN, il maîtrisait les arcanes du parti, où il occupa plusieurs postes de responsabilité au sein du comité central et du bureau politique. Il avait par ailleurs mené une subtile campagne auprès des militants pour sa candidature lors de nombreux déplacements au sein des mouhafadhas, aidé en cela par les anciens du parti. «Il incarnait pour beaucoup l'image du militant issu de la guerre de Libération, qui ne sait pas fourvoyer dans des compromissions, estime Rachid Boukerzaza, membre du comité central et un des animateurs du mouvement de redressement. Il tire sa légitimité de cette capacité à être rester proche de ses idéaux.» Lieutenant-colonel, ancien ministre, sénateur, il était le seul à pouvoir rassembler autour de sa candidature les deux camps du FLN, et obtenir l'assentiment des différents cercles du pouvoir. 3- Le choix du SG n'est pas uniquement déterminé par un vote, il doit aussi être approuvé par des acteurs extérieurs.
«Tout le monde sait qu'il faut d'abord obtenir l'accord de ce qu'on nomme l'environnement immédiat du parti pour la désignation du futur secrétaire général, reconnaît Mohamed Sghir Kara, membre du comité central et chef de file du mouvement des redresseurs. Nous allons soumettre trois noms pour que le président du parti choisisse un candidat, entériné par les autres cercles du pouvoir.» Le Front de libération nationale qui a toujours été dans la proximité immédiate du pouvoir, pour jouer un rôle central dans la vie politique nationale est l'otage des différents cercles décisionnels. D'autant qu'à une année de la présidentielle de 2014, le choix du leader du parti est fondamental pour le prochain candidat à la magistrature suprême. Une situation dénoncée par un membre du comité central qui estime que «tant que certains attendent des directives venues d'ailleurs, le parti ne pourra se constituer en véritable force de proposition ni prétendre se reconstruire». 4- Le camp majoritaire veut imposer un seul candidat au poste de secrétaire général.
Le camp qui est aujourd'hui majoritaire au sein du FLN, après avoir obtenu le départ de Abdelaziz Belkhadem en ayant recours à l'urne, refuse maintenant d'y recourir à nouveau pour la nomination du prochain secrétaire général. Par ailleurs, ils tentent d'empêcher l'émergence d'autres candidatures pour pousser à la présentation d'un seul candidat. «On veut présenter un seul candidat, reconnaît Mohamed Sghir Kara. On ne veut pas se retrouver avec plusieurs candidatures qui pourraient être facteur de turbulences. Le parti ne peut pas s'offrir le luxe d'une nouvelle crise.» Une décision que réfute Aïssi Kassa, chargé de la communication du parti et soutien de l'ancien SG. «L'élection se fera par l'urne et pas autrement. C'est un instrument qui n'est contesté par personne et qui nous a été par le passé reproché de ne pas l'avoir utilisé. En plus, rien ne nous empêche de présenter un candidat lors du vote ou de contester l'élection auprès de la justice, si les principes fondamentaux du parti ne sont pas respectés.» 5- La jeune génération veut profiter du vide actuel pour pousser le parti vers plus de modernisme.
Face à la situation actuelle, la jeune génération élève la voix pour réclamer plus de réformes et plus d'ouverture. Ils souhaitent que le parti profite de ces turbulences actuelles pour repartir sur de bonnes bases et entreprenne sa révolution. «C'est une occasion historique qui s'offre au parti pour encourager l'émergence de dirigeants capables d'affronter les nouveaux défis auxquels est confronté notre pays, affirme Abdelaziz Djerad. Les nouveaux responsables du parti doivent être des hommes et des femmes en mesure de saisir le sens de l'histoire et préparer le parti à une réelle démocratisation sociale et permettre à l'Algérie de devenir pour les prochaines années un véritable Etat de droit et un pays émergent.» Ils estiment par ailleurs que le choix du futur SG déterminera la volonté de la direction de procéder aux réformes nécessaires. «Il est vital de penser à une élite militante, sincère et porteuse d'un véritable projet national rénové qui croit aux valeurs du FLN de la Révolution, mais tourné résolument vers l'avenir. Ces militants et militantes existent au parti, mais leur voix n'est pas entendue. Elle est étouffée par les agitateurs et les opportunistes», conclut Abdelaziz Djerad.