La principale richesse de l'Algérie, son pétrole et son gaz, n'est plus source de bonheur pour son peuple. La volonté d'accaparement de la rente pétrolière par ses dirigeants plonge des pans entiers de la société dans la misère, tandis que les jeunes n'ont qu'une envie : quitter le pays. Les événements qui ont marqué l'année 2011-2012 vont modifier en profondeur la scène énergétique. Le risque géopolitique accru redonne corps au thème de la sécurité des approvisionnements, Fukushirna pose la question de l'avenir du nucléaire, l'essor des gaz de schiste modifie la donne du marché gazier, etc. Nous avons été par ailleurs confrontés à un troisième choc pétrolier rampant : le prix moyen du pétrole a dépassé largement le maximum atteint, en 1980, lors du deuxième choc. La facture énergétique s'alourdit, mais le poids du pétrole dans l'économie est plus faible, d'où un moindre impact sur l'économie. La diversification géographique de nos approvisionnements en hydrocarbures et le développement de nouvelles formes d'énergie restent plus que jamais un impératif. Le pouvoir, plus soucieux que jamais de sa survie, va-t-il faire, à la lumière de tous les bouleversements qui secouent l'univers et qui posent de nouvelles exigences, le bon choix en misant sur l'essor des gaz de schiste ? L'Etat algérien va-t-il courir le risque d'une horreur écologique pour demeurer dans son merveilleux confort personnel ? Selon le scénario le plus favorable, le gaz de schiste permettrait de compenser le déclin de la production conventionnelle du gaz naturel. La seule technique connue à ce jour pour extraire le gaz naturel contenu à faible concentration dans la roche est l'injection à très haute pression d'eau et de composés chimiques suivant des forages horizontaux situés entre un et trois kilomètres de profondeur, cette action ayant pour effet de briser la roche et de créer des micro-canaux par lesquels remonte le gaz. Les risques potentiels de la fracturation hydraulique pour l'environnement et la santé humaine sont bien réels. Une étude réalisée par des experts européens a balayé l'ensemble de la littérature nord-américaine produite sur le sujet. Elle détaille toutes les sources possibles de perturbation de l'environnement et propose une série de recommandations. Elle bat en brèche l'un des arguments principaux des industriels, qui prétendent que les contaminations de l'eau constatées en Amérique du Nord résultent de défaillances dans la cimentation des puits, mais pas de la technique de fracturation hydraulique elle-même. Or, la fracture de la roche peut intervenir sur des caractéristiques géologiques (ou modifiées par l'homme) susceptibles de créer des passages pour les fluides chimiques ou les gaz qui iraient contaminer les ressources en eau potable, pose le rapport. De ce fait, la contamination des eaux souterraines «demeure un risque potentiel». Pour y remédier, il conviendrait de maintenir une distance minimale de 600 m entre la zone de production et la ressource en eau potable. Sur un million de fracturations hydrauliques, il n'y a pas eu de pollution. Les ennuis rencontrés, réels mais peu nombreux, venaient non pas de la fracturation horizontale, mais du forage vertical qui recueille le gaz. Pourquoi l'Etat algérien agit-il dans le plus grand secret dans cette question de l'exploitation des gaz et huiles de schiste ? Que craint-il au juste ? Est-ce que cette exploitation, non conventionnelle, est une nécessité pour l'essor de l'économie nationale ? Est-ce donc que les catastrophes écologiques et sanitaires, provoquées par ces ressources fossiles à travers le monde, n'ont pas été assez convaincantes pour opposer le principe de précaution à cette tentation qui, tout compte fait, n'est rien d'autre qu'une perte de temps et d'argent bien navrante pour le peuple algérien ? Un peuple qui n'a pas profité du pétrole peut-il connaître le bonheur dans une aventure dont on ne connaît, à ce jour, ni la technologie pour la maîtriser ni les risques et encore moins les coûts de sa réalisation ? Pour toutes ces raisons, nous refusons la fatalité que l'on souhaite nous faire accepter par des textes ultra secrets. La mascarade continue alors que les masques sont pourtant tombés au cours du printemps arabe. On nous avance que nous avons des ressources énergétiques potentielles sous nos pieds et qu'il serait stupide de ne pas en profiter. Ce à quoi nous rétorquons que nous avons des ressources infinies au-dessus de nos têtes (le vent et le soleil), sous nos yeux (biomasse), dans nos océans (énergie marémotrice) et sous nos pieds aussi (géothermie). Mais le lobby industriel et la finance internationale cupides qui dictent leurs choix à l'Algérie, n'ont que faire de ces enjeux d'avenir. Ils recherchent la rentabilité immédiate et des terrains dociles sans le moindre risque pour leurs investissements. Les sources d'énergie sont substituables les unes aux autres. L'eau, non ! Nous ne pouvons nous aventurer dans une telle impasse. Notre mix énergétique est un choix politique auquel doivent être associés les citoyens et, en aucun cas, le lobby des énergies fossiles et nucléaires ne doit nous imposer ses stratégies économiques. Nous sommes jaloux de notre souveraineté. *Titre proposé par la rédaction.