Les autorités marocaines doivent rejuger 25 Sahraouis dans le cadre de procès équitables devant des tribunaux civils et enquêter dûment sur leurs allégations de torture», a déclaré Amnesty International, lundi, après la condamnation de Sahraouis, par un tribunal militaire, à de lourdes peines d'emprisonnement. Le 17 février, le tribunal militaire de Rabat a condamné 9 accusés à la détention à perpétuité et 14 autres à des peines de prison allant de 20 à 30 ans chacun. Deux autres accusés ont été libérés, après avoir passé deux années en détention provisoire. Ce jugement intervient dans le cadre des violences qui ont émaillé le démantèlement par les forces de sécurité marocaines du campement de protestation de Gdim Izik en novembre 2010, opération au cours de laquelle 11 membres des forces de l'ordre et 2 Sahraouis ont trouvé la mort. «Les autorités marocaines ont fait la sourde oreille face aux appels réclamant que les accusés soient jugés par un tribunal indépendant et impartial. Elles ont préféré opter pour un tribunal militaire, qui n'offrira jamais à des civils un procès équitable», a indiqué Ann Harrison, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d'Amnesty International, ajoutant : «Il est préoccupant qu'elles ignorent également les allégations des accusés sahraouis, qui affirment avoir été torturés en vue de leur extorquer des «aveux». «Le recours aux tribunaux militaires et l'absence d'enquête sur ces allégations de torture jettent de sérieux doutes sur les intentions des autorités marocaines et amènent à s'interroger sur leur volonté de garantir un jugement de culpabilité, plutôt que de rendre justice.» Les accusés ont affirmé à plusieurs reprises avoir été torturés et maltraités en détention, dans le but de les contraindre à signer des déclarations ; pourtant, aucune information ne fait état d'investigations menées par les autorités à ce sujet. Amnesty International demande qu'une enquête indépendante soit menée sur les allégations de torture et que les éléments de preuve arrachés sous la torture ou la contrainte soient écartés par le tribunal. Les avocats des prévenus ont indiqué qu'ils comptaient se pourvoir en cassation. Parmi les charges retenues contre les prévenus, dont des membres d'organisations de la société civile sahraouie et des militants politiques sahraouis, figurent l'appartenance à une organisation criminelle, les violences contre un agent de l'Etat et la profanation d'un cadavre. Le 8 novembre 2010, des affrontements ont éclaté, lorsque les forces de sécurité marocaines sont intervenues pour contraindre à évacuer et démanteler le campement de protestation de Gdim Izik, à quelques kilomètres à l'est de la ville de Laayoune, au Sahara occidental, sous administration marocaine. Le campement a été dressé début octobre 2010 par des Sahraouis pour protester contre la marginalisation dont ils se disaient victimes et l'absence d'emplois et de logements convenables. Au cours du démantèlement et dans les jours qui ont suivi, les forces de sécurité ont interpellé environ 200 Sahraouis. Elles ont procédé à de nouvelles interpellations en décembre 2010. Plus de deux ans après, et malgré les appels répétés d'Amnesty International et d'autres, les autorités marocaines doivent encore diligenter une enquête indépendante et impartiale sur les atteintes aux droits humains commises en lien avec les événements du 8 novembre 2010. De son côté, le Comité pour le respect des libertés et des droits humains au Sahara occidental (Corelso) a dénoncé, hier, le verdict prononcé le 17 février à l'encontre des 24 militants sahraouis des droits de l'homme, condamnés à de lourdes peines par le tribunal militaire de Rabat, le qualifiant d'«inique et scandaleux». «Le verdict inique et scandaleux du 17 février doit être dénoncé par les gouvernements, les partis, les syndicats et les associations des droits de l'homme», écrit le Corelso dans un communiqué transmis hier à l'APS. Il considère aussi que le mouvement de solidarité avec la lutte du peuple sahraoui «doit renforcer la mobilisation pour briser le silence». «Il faut, dès maintenant, briser le silence des principaux médias français et obtenir du gouvernement qu'il cesse, enfin, de soutenir les thèses marocaines», a-t-il poursuivi, faisant valoir qu'il doit également s'engager pour la mise en œuvre du droit à l'autodétermination et à l'extension du mandat de la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (Minurso) «à la surveillance des droits de l'homme au Sahara occidental». «Malgré le déchaînement de la presse au Maroc qui les présentait comme des criminels et malgré la forte présence policière jusque dans la salle d'audience, les militants sahraouis ne se sont pas laissés intimider et ont imposé leurs témoignages au tribunal», a soutenu le Corelso. Il a rappelé aussi que ces militants sahraouis, accusés de crimes qu'ils n'ont pas commis, «ont décrit et dénoncé leur enlèvement, les humiliations, tortures et traitements inhumains, les pressions psychologiques et les procès-verbaux fabriqués ou falsifiés» que le tribunal leur a endossés. «La violence des traitements subis et le refus par le tribunal de faire pratiquer des examens médicaux pour prouver les sévices n'ont pas eu raison de leur dignité ni de leur idéal de liberté», a rapporté le Corelso.