Aux dernières nouvelles, Rached Ghannouchi et Ennahda ne sont plus aussi catégoriques pour la nomination de Hamadi Jebali à sa propre succession. De notre correspondant en Tunisie Il suffit par ailleurs de comparer les tons des propos de Ghannouchi concernant Jebali durant les dernières 72 heures pour en juger. Autant le leader d'Ennahda était chaleureux à l'égard de Jebali lundi 18, à sa sortie de la rencontre avec les partis, autant ses propos ont changé de tonalité hier, à sa sortie de la rencontre avec le président Marzouki. De «Jebali est le candidat d'Ennahda», on est passé à «Ennahda va présenter son candidat au président de la République dans les prochaines 48 heures». On aurait facilement pensé à des phrases protocolaires sans la déclaration de Fathi Ayadi, président du conseil de la choura d'Ennahda, qui a enfoncé le clou en affirmant : «Ennahda dispose d'une liste de 10 à 20 nouveaux candidats pouvant remplacer Jebali.» Parmi ceux-ci, Ayadi a cité les ministres Ali Laarayedh (Intérieur), Noureddine B'hiri (Justice) et Abdellatif Mekki (Santé). Sur le même ton «désintéressé» par rapport aux «conditions» de Jebali, Ameur Laâreyedh, le président du bureau politique d'Ennahda, a indiqué que «le mouvement dispose de plusieurs candidats, dont Hamadi». Et lorsqu'on sait que Sahbi Attigue, le président du bloc parlementaire d'Ennahda, a exigé de Jebali «l'adhésion à la feuille de route du mouvement, tracée lors du dernier conseil de la choura», il est difficile de voir les avis se rapprocher dans les heures qui viennent. Fathi Ayadi, Ameur Laâreyedh et Sahbi Attigue ont accompagné Rached Ghannouchi lors de sa rencontre avec le président Marzouki, ce qui traduit un souci de présenter la position d'Ennahda au président de la République à travers tous les présidents des structures du parti. Deal Le cas Jebali serait déjà classé si l'on sait que les trois instances sont allées contre son initiative. Mais que va proposer Ennahda aux autres groupes politiques afin de former une nouvelle alliance ? Si la proposition de Jebali repose sur l'attribution des ministères de souveraineté à des indépendants, voire même d'autres ministères importants, avec l'engagement des ministres de ne pas se présenter aux prochaines élections, la direction d'Ennahda refuse de faire de telles concessions sans rien en échange. A ce titre, Ennahda ne voudrait lâcher le ministère de l'Intérieur qu'à la condition que le parti Al Joumhouri intègre l'alliance gouvernementale. Et ce n'est pas par sympathie pour le parti de Néjib Chebbi ; il s'agit plutôt de briser l'axe de l'alliance récemment édifiée entre ce parti et Nida Tounès de Béji Caïd Essebsi. Ennahda craint cette alliance des cinq partis, l'Union pour la Tunisie, et c'est l'occasion inespérée pour la briser en appâtant les leaders d'Al Joumhouri par des postes importants, voire des ministères de souveraineté. Les leaders d'Al Joumhouri ont certes assuré qu'ils n'intégreraient pas le nouveau gouvernement et qu'ils pourraient, à la limite, le soutenir si jamais il répondait à la feuille de route présentée par leur parti. Mais en politique, les positions ne sont jamais fixes.