La Tunisie se trouve dans une véritable impasse politique après le bras de fer persistant opposant la proposition du chef de gouvernement et l'intransigeance du chef d'Ennahda. Hamadi Jebali a proposé un nouveau gouvernement de technocrates, rejeté par le conseil du mouvement islamique. De notre correspondant en Tunisie Ennahda a tout de même accepté de laisser filer des ministères de souveraineté au profit des indépendants. Le conseil de la choura d'Ennahda, réuni le week-end dernier à Hammamet, a surtout valu par l'acceptation des islamistes de se séparer des ministères de la Justice et des Affaires étrangères. Il a été même question de limoger Ali Laârayedh et de mettre un autre nahdhaoui à sa place, histoire de montrer la bonne volonté d'Ennahda de tourner la page des échecs. Cette dernière question a été à l'origine du départ précipité du président du bloc des constituants islamistes à l'Assemblée, Sahbi Attigue, de la salle du conseil de la choura. Ce dernier défendait le maintien de Ali Laârayedh, alors que la majorité du conseil était plutôt avec Ghannouchi pour son limogeage, ce qui a déplu à Sahbi Attigue qui a claqué la porte. Finalement, le différend traversant les courants au sein d'Ennahda et constaté lors des joutes de Hammamet n'était pas autour de l'initiative de Jebali, rejetée par une écrasante majorité des membres dans les structures, mais plutôt autour de la tactique à adopter pour limiter la casse qui découlera du remaniement en cours. A ce jeu, l'aile majoritaire entourant Ghannouchi plaide pour la tactique consistant à appâter l'opposition pour réussir à la diviser. Les suggestions se sont multipliées, notamment à l'adresse de l'Alliance démocratique et du Parti républicain, surtout que ce dernier a déjà balancé, pendant la réunion de samedi, l'idée d'un «mini-gouvernement de politiques». Dans leurs interventions, les leaders d'Al Joumhouri, Ahmed Néjib Chebbi et Maya Jribi, ont certes soutenu l'initiative de Jebali, mais ont laissé la porte ouverte à un plan B comportant un mixage savant entre des politiques et des technocrates au sein de la même équipe, une thèse conciliante avec l'approche islamiste. Ennahda a essayé de glisser à travers cette fissure pour diviser les rangs de l'opposition, élargir la troïka au pouvoir et sauver le poste de Ali Laârayedh. Mais le Parti républicain n'est, semble-t-il, pas tombé dans le piège. Al Joumhouri inamovible Dans leurs déclarations sur les plateaux télévisés et dans les médias, les dirigeants nahdaouis ont multiplié les clins d'œil vers Al Joumhouri, pas vraiment convaincu de la thèse de Jebali à un point tel qu'il a déjà avancé sur son plan B dans la réunion de samedi, à Dar Dhiafa.Un quotidien de la place a même enfoncé le clou en accusant Al Joumhouri de connivence avec Ennahda, provoquant la colère des dirigeants du Parti républicain. Du coup, ces derniers ont multiplié les déclarations pour affirmer leur attachement à la même position que leurs partenaires au sein de l'Union pour la Tunisie, à savoir le soutien de l'initiative de Jebali ou, au pire, l'attribution des ministères de souveraineté à des personnalités indépendantes. Al Joumhouri aurait même refusé une offre émanant d'Ennahda de prendre deux ministères de souveraineté (Affaires étrangères et Justice) pour permettre à Ennahda de préserver le ministère de l'Intérieur. Niet catégorique de la part de la secrétaire générale, Maya Jribi ; il s'agit, pour elle, de neutraliser les quatre ministères de souveraineté (Intérieur, Défense nationale, Justice, Affaires étrangères). Maya Jribi a indiqué qu'Al Joumhouri a plaidé pour un consensus autour d'une équipe restreinte de compétences apolitiques avec quelques politiciens qui ne seraient pas sur des ministères de souveraineté. Le feuilleton du remaniement ministériel n'est donc pas au bout de ses peines. L'assassinat de Chokri Belaïd n'a pas rendu la raison à Ennahda. Ce n'était qu'un feu de paille avec l'initiative de Jebali.