Aux termes de l'article 132 de la Constitution, «les traités ratifiés par le président de la République, dans les conditions prévues par la Constitution, sont supérieurs à la loi». La convention internationale pour la simplification et l'harmonisation des régimes douaniers – dite Convention de Kyoto – du 18 mai 1973 et son Protocole d'amendement, signé à Bruxelles le 26 juin 1999, ayant été ratifiés par le président de la République, ont la suprématie par rapport à nos lois internes. La question qui se pose est de savoir si la loi de finances pour 2013, dans ses dispositions douanières, a pris en compte, au regard des instruments internationaux précités, cette suprématie que les juristes appellent «le principe de la hiérarchie des normes» ? C'est ce que nous tenterons d'expliquer dans les développements suivants. L'analyse des dispositions douanières de la loi de finances pour 2013 laisse apparaître que celles-ci, au nombre de neuf (cf. les articles 23 à 31 inclus) modifient le code des Douanes. Parmi ces modifications, il importe de revenir sur deux, celles des articles 23 et 24 de ladite loi, au motif que ces articles ont créé au niveau du chapitre VII du code des Douanes, respectivement une section 14 bis intitulée «drawback» et deux articles (192 bis et 192 ter)relatifs à cette nouvelle section. Avant de voir en quoi consistent ces modifications , il convient tout d'abord de rappeler aux lecteurs ce que prévoit la convention de Kyoto en matière de drawback. Ce que prévoit la convention de Kyoto en matière de drawback Pour éviter aux acteurs du commerce international, dont les Douanes, toute confusion en matière de drawback, les parties contractantes à la Convention de Kyoto, les Etats signataires, ont défini au niveau de l'annexe spécifique F, chapitre 3 de cette convention – préalablement à la fixation des règles devant présider au régime douanier économique du drawback – certains termes et expressions utilisés dans ce traité. C'est le cas notamment du terme «drawback» et de l'expression «régime du drawback» qu'elles ont définis respectivement comme suit : «drawback» est le montant des droits et taxes à l'importation remboursé en application du régime du drawback ; «régime du drawback» est le régime douanier qui permet, lors de l'exportation de marchandises, d'obtenir le remboursement (total ou partiel) des droits et taxes à l'importation qui ont frappé soit ces marchandises, soit les produits contenus dans les marchandises exportées ou consommées au cours de leur production. La question qui se pose est la suivante : est-ce qu'il est permis à ceux qui confectionnent des costumes juridiques aux discours politiques, les juristes, d'utiliser invariablement les deux définitions précédentes ? En d'autres termes, le terme «drawback» et l'expression «régime du drawback» signifient-ils la même chose ? Ce que prévoit la loi de finances pour 2013 Pour permettre de comparer les dispositions rappelées ci-dessus de la Convention de Kyoto et celles de la loi de finances pour 2013 relatives au «drawback» et de tirer par voie de conséquence les enseignements nécessaires, il importe de reprendre ci-après, in extenso, les dispositions des articles 192 bis et 192 ter du code des Douanes créées par ladite loi : Art. 192 bis. - On entend par «drawback» le régime douanier qui permet, lors de l'exportation de marchandises, d'obtenir le remboursement total ou partiel des droits et taxes à l'importation qui ont frappé soit ces marchandises, soit les produits contenus dans les marchandises exportées ou consommées au cours de leur production. « Art. 192 ter. - Pour bénéficier du régime du «drawback», l'exportateur doit justifier de l'importation préalable pour la mise à la consommation des marchandises utilisées pour la production des produits exportés et satisfaire, notamment, aux obligations particulières prescrites par la réglementation douanière ; les bénéficiaires devant également tenir des écritures ou une comptabilité-matières permettant de vérifier le bien-fondé de la demande de «drawback». Les modalités d'application du présent article sont fixées par voie réglementaire. Il s'ensuit que les définitions retenues par la loi de finances pour 2013 à propos du «drawback» et du «régime du drawback» ne correspond à aucune des deux définitions consacrées en la matière par la Convention de Kyoto. La définition prévue par la loi de finances pour 2013 pour le «régime du drawback» est donc erronée et s'analyse en une entorse faite à la convention de Kyoto et au principe de la hiérarchie des normes ! Il convient de préciser que ce n'est pas la première fois qu'une telle entorse est faite à ce traité et à ce principe ! En effet, dans une précédente contribution intitulée «Le code des Douanes : encore une autre bourde» (El Watan Economie n°244 du 17 mai 2010), nous avons attiré l'attention des pouvoirs publics sur une décision ayant violé à la fois la Convention de Kyoto, le code des Douanes et le principe de la hiérarchie des normes : la décision du 22 décembre 2009 fixant les modalités d'application de l'article 141 du code des Douanes relatif à l'entrepôt public. Par ailleurs, dans une autre précédente contribution intitulée «Marchandises destinées à la mise à la consommation : un régime douanier à l'intitulé et à la définition tronqués» (El Watan Economie n°270 du 3 janvier 2011), nous avons attiré l'attention sur une anomalie de taille entachant la loi de finances pour 2010 et, partant, le code des Douanes : la troncature de l'intitulé et de la définition du régime douanier économique dénommé «Transformation des marchandises destinées à la mise à la consommation». Ce régime, à l'instar du régime douanier économique du drawback, tire sa source de la Convention de Kyoto, annexe spécifique F, chapitre 4. Conclusion : Ce qui est étonnant et affligeant devant la répétitivité de ces textes législatifs et réglementaires erronés, ce ne sont pas tant les erreurs les entachant mais le fait que les «tamis humains» placés à tous les niveaux des rouages de l'Etat pour les identifier et les réparer dans le cadre de procédures ad hoc n'aient pas fonctionné, même après des appels faits aux autorités concernées. Il importerait de revoir toute la procédure relative à l'élaboration, au contrôle et à la publication au Journal officiel des textes dont il s'agit. C'est l'image de notre pays qui est en jeu. Ces erreurs posent un problème de taille : l'insécurité juridique.