Dans une librairie de Jijel, nous sommes tombé sur une femme d'un certain âge, visiblement gagnée par l'émotion, qui discutait avec le libraire à propos d'un livre qu'elle tenait dans ses mains. L'ouvrage en question est le Mémorial de la ville de Jijel, Une incursion dans le passé (1891 – 1962), écrit et préparé par Djamel Eddine Hadji. La dame venait de découvrir la photo de son défunt père, né en 1899, cité parmi les anciens facteurs. Elle se retourna vers nous en exhibant fièrement le livre et en déclarant: «Cela prouve qu'ils sont encore vivants !» (dans les cœurs, bien sûr). Dans sa préface, l'écrivain et dramaturge Salah Bousseloua, prévient le lecteur qu'il ne s'agit là, ni d'un livre ordinaire, et encore moins d'un roman. Il qualifie l'ouvrage d'idée originale à travers laquelle s'est attelé l'auteur à dépoussiérer un pan de la mémoire collective. Loin des ouvrages convenus qui retracent des histoires et des fictions, le mémorial colle à la vie de tous les jours, d'il y a cent, soixante-dix ou cinquante ans. C'est la réponse à la contribution de tant de personnes, de tout bord, à la plus simple expression de la vie. Ce plongeon dans l'histoire restitue des bribes de la vie professionnelle d'un certain temps, des visages, des métiers et parfois même des drames -surtout pour les gens de la mer. On retiendra, à ce propos, la fiche relative au patron de pêche Bahi Ferhat (1866-1890) dont le cadavre a été rejeté sur le rivage, après une tempête, le 13 décembre 1890. L'ouvrage, en somme, est un condensé de mémoires se voulant un hommage à ces générations passées et rapportées à une dimension sentimentale par la multitude de photographies qui jalonnent l'ouvrage. Du pêcheur au postier, de l'imam au pizzaïolo et du boulanger au pompier, l'essentiel des activités de l'époque qui ont été au service de la communauté, des décennies durant, ont été répertoriés dans 18 chapitres qui courent sur 177 pages agrémentées de commentaires et parfois d'anecdotes. Certaines personnes ont eu le mérite d'être citées par deux fois du fait de leur engagement dans des domaines différents. On retiendra à ce propos, entre autres, la personnalité de feu Larbi Roula (1902 -1985), instituteur et syndicaliste, et dont l'évocation suscite toujours un grand respect. Le mémorial, dont l'auteur prévient qu'il «n'est à la recherche d'aucune vaine gloriole», prend la forme d'une longue liste comprenant plus de 800 personnes citées et près de 500 photographies, en majorité des portraits de gens qui ont donné âme à cet ouvrage qui a nécessité un travail de longue haleine. L'auteur a passé plus de six années à réunir les documents historiques et administratifs, les témoignages et les photographies qui ont permis la rédaction et l'illustration de ce mémorial.