Les actes du Colloque international consacré à Germaine Tillion viennent de paraître. Une occasion, cinq ans après la mort de l'ethnologue, de faire un tour d'horizon complet de ce que son itinéraire résistant et militant a apporté au XXe siècle. Lyon De notre correspondant Professeure, chercheuse, Armelle Mabon est l'une des chevilles ouvrières du projet destiné à rendre un hommage majeur à Germaine Tillion, en sa terre de Bretagne, en mai 2010, deux ans après sa mort survenue à presque 101 ans, en 2008. «C'est en 2001 que je la rencontre pour la première fois dans sa maison de Plouhinec, afin d'organiser une conférence pour les étudiants du diplôme supérieur en travail social sur les centres sociaux en Algérie», explique l'universitaire dans son avant-propos. «A ma grande surprise, nous nous sommes aperçues que nous avions un point commun : les prisonniers de guerre 'indigènes' pendant la Seconde Guerre mondiale, thème de ma recherche (publiée à La Découverte en 2010, ndlr). Germaine Tillion avait été marraine de guerre de ces combattants-prisonniers avant de s'engager dans la résistance. Après son décès en 2008, j'ai voulu faire partager au plus grand nombre ce legs inestimable de courage, de force, de combats, de passions, d'intelligence, d'engagement avec la tenue d'un colloque international concomitant avec l'exposition sur Germaine Tillion, Résistance(s), Itinéraire et engagements, créée par le Centre d'histoire de la résistance et de la déportation de Lyon et la représentation de l'opérette écrite par Germaine Tillion à Ravensbrück, Le Verfügbar aux Enfers». La ville de Lorient et l'université Bretagne Sud se sont associées pour mettre en place une véritable communication destinée au grand public avec une affiche qui portait le slogan «Une force d'humanité, un destin». Les communications du colloque ont été réunies pour reconstituer l'histoire extraordinaire de cette femme de lettres, ethnologue, qui s'engagea au service de la résistance lors de la Seconde Guerre mondiale et voua sa longue vie à la réflexion nourrie de ses expériences sur le terrain. Germaine Tillion fut de tous les combats : contre la pratique de la torture pendant la guerre d'Algérie à l'instar du général Pâris de Bollardière (dont la veuve Simone a témoigné lors du colloque), pour le respect de la dignité humaine, pour l'émancipation de la femme, pour l'instruction dans les prisons, pour la régularisation des sans-papiers aux côtés de Stéphane Hessel..., qui a lu un préambule avant les travaux des chercheurs. Pour Armelle Mabon, ces actes se veulent «une invitation à poursuivre un chemin fait d'engagements multiples». Il n'est d'ailleurs pas courant de voir des actes accompagnés d'un DVD «opérette»... la force de Germaine, peut-être ! Dans son introduction, Gwendal Simon écrit : «Les temps les plus marquants nous sont connus : ethnographe, résistante, Germaine Tillion survécut à Ravensbrück et joua le rôle de médiatrice pendant la guerre d'indépendance en Algérie. Ils nous révèlent une existence étroitement mêlée à toutes les grandes péripéties de l'histoire française et européenne, où se mêlent colonisation et décolonisation, résistance et captivité, et où se croisent les formes d'intervention : le registre analytique à travers l'observation ethnographique dans les Aurès et des logiques concentrationnaires à Ravensbrück, une résistance opérationnelle face aux nazis, une assistance aux populations de prisonniers des colonies, une implication réformiste dans la mise en œuvre de programmes sociaux au sein d'une Algérie encore coloniale…» Avec un regard d'ensemble sur les communications présentées par des conférenciers français et algériens, il indique que «le pari de l'ensemble de ces contributions est de proposer le récit d'une histoire intellectuelle et morale traversée par ce vitalisme de l'action». Ainsi, conclut-il, «Germaine Tillion, louée et respectée par la justesse des ses choix, incarnation vivante du courage et la droiture au cœur d'événements tragiques aux tensions multiples, fait écho à d'autres engagements et d'autres luttes».