Germaine Tillon, l'écrivaine et ethnologue qui s'est activement opposé à la guerre d'Algerie, a eu cent ans en mai dernier. A cette occasion, une expo qui s'intitule, Ethnologue et résistante, consacrée au parcours exceptionnel de la “ dame de fer ” se tient dans la ville française de Rennes avant de débarquer dans Paris. Ce rendez-vous historique et révolutionnaire qui est consacré à la femme de lettres qui a pris le parti de la justice durant la guerre de Libération nationale en dénonçant, notamment la torture, est la seconde mouture d'une autre expo qui s'appelait Résistance(s). Cette dernière a été mise sur pied en 2004 au musée de Bretagne par le Centre d'histoire et de la Résistance et de la déportation de Lyon. Celle qui se tient actuellement à Rennes a été enrichie de pièces fournies par le musée du Quai Branly, illustrant l'important travail ethnographique mené par Germaine Tillon. Ancienne résistante et déportée, celle qui a été sur tous les fronts de la justice est également connue pour sa foisonnante œuvre aussi bien littéraire, ethnologique que révolutionnaire. C'est en 1932 que la jeune fille étudie l'ethnologie auprès de Marcel Mauss et Louis Massignon. Cette expérience lui permet d'entrer comme chercheur au Musée de l'Homme. Dans les années 1930, elle réalise plusieurs missions en Algérie. Mais la guerre arrive. Durant l'occupation, elle s'engage dans la Résistance par le biais du musée. Le 13 août 1942, en pleine Seconde Guerre mondiale, elle est dénoncée et arrêtée à la gare de Lyon. En 1943, la jeune résistante est déportée à Ravensbrück où elle retrouve sa mère. Durant sa détention, elle écrit une opérette-revue, Le Verfügbar aux enfers. L'œuvre ne sera jamais jouée. Le 23 avril 1945 représente la date de sa libération. Très vite, elle reprend son travail d'ethnologue et publie son premier ouvrage, Ravensbrück, qui traite de la déportation. Marquée par son expérience, elle s'oppose à la guerre d'Algérie en créant des centres sociaux et défend la population locale. La suite est marquée par sa volonté d'enseigner et d'écrire. Elle publie plusieurs ouvrages comme Les Ennemis complémentaires ou Le Harem et les cousins dans les années 1960. En 2000, elle dédie son recueil Il était une fois l'ethnographie aux immigrés algériens. En 2007, Germaine Tillon devient centenaire et apparaît comme l'une des figures incontournables de l'ethnologie moderne et de la défense des droits de l'homme. Germaine Tillion avait fêté le 30 mai ses cent ans avec ses proches dans sa maison, à l'orée du Bois de Vincennes où elle vit depuis un demi-siècle, en présence de sa sœur, âgée de 98 ans, de sa nièce et de quelques proches. Jamais jouée sur scène et inédite jusqu'à sa parution au printemps 2005 aux éditions de La Martinière, Le Verfügbar (mot désignant les prisonnières corvéables à merci, " à la disposition " des SS) est une grinçante parodie d'opérette en trois actes qui cite notamment l'Orphée aux enfers d'Offenbach. Germaine Tillon y évoque l'horreur concentrationnaire avec un humour noir voulu comme une antidote à la barbarie nazie. De 1934 à 1940, la jeune ethnologue réalise quatre missions dans le massif montagneux des Aurès (Sud-Est algérien) sur la population berbère chaouïa. De retour en métropole en juin 1940, lors de la débâcle, Germaine Tillion, révulsée par le discours de Pétain annonçant l'armistice, cherche dès le 17 juin à résister et participe à la fondation du Réseau du Musée de l'Homme, le tout premier des réseaux de la Résistance. En 1957, en pleine bataille d'Alger, elle réussit à obtenir pour quelques semaines l'arrêt des attentats contre l'arrêt des exécutions capitales de militants du FLN, après une rencontre secrète avec Yacef Saadi, chef militaire de la région d'Alger. En même temps, Germaine Tillon s'élève avec véhémence contre la torture avec l'historien Pierre Vidal-Naquet ou le journaliste Henri Alleg. Depuis 2005, une école de Saint-Mandé porte le nom d'Emilie et Germaine Tillion, par ailleurs l'une des cinq Françaises à avoir été élevées à la dignité de Grande croix de la Légion d'honneur.