Le président Morsi et son parti ne sont pas au bout de leurs peines face à une opposition qui a réussi à construire un front de refus contre les élections législatives prévues dans deux mois. La menace de boycott a, en effet, fini par se traduire en décision, puisque le Front du salut national (FSN) a annoncé hier qu'il ne participera pas aux élections législatives. Motif ? La structure dirigée par Mohamed El Baradei pointe le «manque de garanties» pour leur transparence. «La décision du Front, à l'unanimité, est pour le boycott des élections», a déclaré, hier lors d'une conférence de presse, Sameh Achour, l'un des membres de la coalition, à l'issue d'une réunion du FSN. M. Achour a expliqué cette décision par le fait que le pouvoir n'avait pas accédé à ses principales demandes, dont la formation d'un nouveau gouvernement «pour sauver le pays», et par l'absence de garanties pour leur transparence. «Pas d'élections sans une loi qui garantisse la transparence du processus électoral (...), sans réelle indépendance du pouvoir judiciaire», a-t-il martelé, tandis que fusaient dans la salle des «A bas le pouvoir du guide» suprême des Frères musulmans, selon les comptes rendus des agences. De fait, ce boycott de l'opposition met d'ores et déjà Morsi et ses «frères» dans de beaux draps. Le scrutin législatif sur lequel il comptait pour régler la grave crise politique en Egypte et ramener ses adversaires à de meilleurs sentiments est sérieusement compromis. On imagine mal en effet que le président Morsi puisse organiser ces élections sans la participation de larges segments de la classe politique égyptienne. Les Frères musulmans, sujet à de nombreuses critiques sur leur volonté de monopoliser le pouvoir, auront du mal à valider un scrutin aussi mal parti. Morsi sera ainsi obligé de faire d'autres concessions pour faire revenir ses opposants à la table des négociations. Dialogue de sourds Il faut rappeler que la participation ou non aux élections a fait l'objet de débats animés ces derniers jours au sein du Front qui réunit des mouvements et partis en majorité libéraux et de gauche, selon des membres de la coalition. Mais le coordinateur du FSN, le prix Nobel de la paix Mohamed El Baradei, avait déjà annoncé la couleur samedi sur son compte Twitter en appelant au boycott pour dénoncer une «supercherie». C'est dire que ces législatives, qui doivent commencer le 22 avril et s'étaler sur deux mois, s'annoncent mal parties en ce sens que plusieurs opposants ont remis en cause leur transparence et le moment choisi pour les organiser, en estimant que le pays était trop divisé pour qu'elles se tiennent dans le calme. «Nous ne participerons pas non plus (...) au soi-disant dialogue d'aujourd'hui», a encore affirmé le porte-parole du Front du salut national. Le président Morsi avait appelé à un dialogue avec toutes les forces politiques, pour «mettre au point les garanties pour la transparence et l'intégrité des élections». Ce dialogue doit se tenir mardi prochain et être retransmis en direct à la télévision, selon la présidence. «De quelles garanties pourrions-nous parler aujourd'hui, alors que vous avez refusé un gouvernement impartial (capable) d'appliquer ces garanties ?», lui répond Sameh Achour. Pour lui les Frères musulmans ont un objectif : «Prendre l'Egypte en otage politiquement, monopoliser ses institutions et dominer entièrement les composantes de l'Etat.» Un dialogue de sourds qui met l'avenir politique de l'Egypte entre parenthèses.