Au cœur d'un grand scandale de corruption, la firme canadienne de génie-conseil et de construction, SNC Lavalin, cherche à réhabiliter son image. Toutefois, la licité des contrats que la firme a passés dans plusieurs pays d'Afrique du Nord, notamment en Algérie, est remise en cause. Un projet semble particulièrement susciter l'attention, celui de la centrale électrique de Hadjeret Ennous, dans la wilaya de Tipasa. Celle-ci a la particularité d'avoir été l'une des premières à impliquer le capital étranger représenté par le canadien SNC Lavalin et l'émirati Mubadala. Or, l'enquête qui incrimine actuellement plusieurs responsables de la firme de génie-conseil ne fait que confirmer les doutes qui planent depuis longtemps sur la transparence du projet. Des doutes qui auraient d'ailleurs incité les services de sécurité à diligenter une enquête entre 2009 et 2011 sur les clauses des contrats passés ainsi que sur les avantages dont auraient bénéficié les associés. Le dossier serait d'ailleurs entre les mains de la justice. Si la porte-parole de SNC Lavalin, Mme Leslie Quinton, s'est déjà exprimée sur ce sujet en estimant que «toute enquête sur cette affaire a été menée au sein de l'Etat», cela n'a pas été le cas de Sonelgaz, associé et principal client de Sharikat Kahraba Hadjeret Ennous (SKH). Les services de communication et des relations avec la presse de l'électricien national nous ont simplement signifié que «Sonelgaz n'a aucun commentaire à faire» sur cette affaire. Un silence qui pourrait être incompréhensible aujourd'hui vu qu'il y a près de deux années, alors que les prix de cession de l'électricité par SKH aux filiales de distribution de Sonelgaz faisaient déjà polémique, le patron du groupe public, Noureddine Boutarfa, a défendu bec et ongles les clauses du contrat liant associés et clients sur la base du tolling. Quoi qu'il en soit, les retards pris dans les travaux de réalisation de la centrale, les rallonges consenties au constructeur canadien ainsi que les conditions générales du contrat ont laissé plus d'un dubitatif. Le fait que SNC Lavalin ait pu être à la fois associée à la société de gestion de la centrale et bénéficier du contrat de réalisation EPC du projet contribue à l'opacité de la démarche, les conditions présidant au montage financier peuvent sembler inhabituelles. En effet, sur les 826 millions de dollars constituant l'investissement de départ, SNC Lavalin et son partenaire Mubadala qui disposent de 51% du capital de SKH n'ont mis sur la table que 15,31% des financements nécessaires. SNC Lavalin invité sur de nouveaux projets Les contrats de vente d'électricité ont également fait parler d'eux, d'autant plus que de nombreux observateurs estiment que les prix de cession de l'électricité étaient deux fois supérieurs aux coûts de production de Sonelgaz. Le fait aussi que l'électricien public ait signé un contrat de 20 ans avec SKH et qu'il se porte garant des paiements des distributeurs est également sujet à discussion. Autre sujet de controverse, la rallonge de 100 millions de dollars accordée par SKH à SNC Lavalin (le constructeur cette fois), pour mener à terme les travaux de réalisation. A tous ces éléments s'ajoutent, cerise sur le gâteau, divers avantages accordés dans le cadre d'une convention d'investissement signée avec l'Agence nationale de développement de l'investissement (ANDI). Si la firme canadienne est aujourd'hui dans l'œil du cyclone, cela ne semble pas entamer pour autant son enthousiasme ni son optimise quant à son avenir et encore moins son avenir algérien. D'ailleurs, la porte-parole du groupe a récemment précisé au quotidien québécois La Presse que SNC Lavalin «est encore perçue (en Algérie, ndlr) comme l'une des meilleures affaires», avant d'ajouter que la firme canadienne a récemment «été invitée à soumissionner pour des projets à la fois dans le secteur de l'énergie et dans celui des hydrocarbures et produits chimiques, qui font actuellement l'objet d'un traitement prioritaire par l'Etat». Des déclarations qui pourraient pousser à croire que l'obligation de probité introduite dans les textes d'appels d'offres n'est ni plus ni moins qu'une devise dénuée de sens ou de portée.