Les magistrats de la Cour des comptes se rebiffent. Leur syndicat vient de publier un communiqué dans lequel ils dénoncent «les pressions terribles exercées sur eux pour les empêcher de faire leur travail conformément à la Constitution». En clair, cela veut dire qu'ils ne veulent pas être les «serpillières» du pouvoir. Conformément à la Constitution, la cour établit un rapport annuel au président de la République. Il est ensuite rendu public. Or, depuis l'arrivée de Abdelaziz Bouteflika à la Présidence, aucun compte rendu de cette institution n'a été diffusé, en violation de la Loi fondamentale. Depuis son intronisation, le locataire d'El Mouradia a paralysé tous les contre-pouvoirs ainsi que les institutions qu'il a transformées en coquilles vides pour rester le seul maître à bord. Il s'est même attribué des pouvoirs exorbitants, au point que l'Algérie est devenue ingouvernable et que la corruption est devenue la seule pratique fonctionnant à merveille. Les comportements antidémocratiques, la privatisation de l'Etat au profit d'un clan, le népotisme ont fini par avoir raison d'un pays déjà fragilisé par le terrorisme islamiste. D'aucuns y ont vu une politique délibérée pour déstabiliser l'Algérie et l'affaiblir sur la scène internationale. Avec le temps, la gestion antinationale ne pouvait que provoquer la colère des Algériens qui n'acceptent pas de voir leur pays partir à la dérive. Ils ont vu des magistrats faire œuvre de responsabilité en Egypte et en Tunisie pour balayer les dictatures de Hosni Moubarak et de Zine El Abidine Ben Ali. Nos magistrats ne pouvaient pas être en reste et être humiliés par un système qui a érigé le non-droit en mode de gestion des affaires de la République, ou de ce qu'il en reste. Ce sursaut d'orgueil était inévitable et il est à saluer. C'est à l'honneur de ces magistrats d'avoir enfin bougé. C'est à leur honneur de refuser que leur travail soit tenu secret par un homme qui, sans doute dans un esprit de revanche, n'a pas oublié que cette même Cour des comptes l'a condamné pour une histoire de reliquat de budget d'ambassades qu'il faisait virer dans un compte personnel en Suisse. Il est temps que les Algériens se ressaisissent. Ces scandales de corruption à Sonatrach sont peut-être l'élément déclencheur qui va pousser les citoyens à prendre leur destin en main, comme l'ont fait les hommes du 1er Novembre. Ce combat de magistrats pour leur dignité fait partie des attentes de tous les Algériens.