Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de gauche en France, apporte à El Watan son témoignage concernant son «camarade Chavez». J.-L. Mélenchon est l'un des derniers hommes politiques à avoir pu rencontrer Hugo Chavez avant la dégradation de son état de santé. C'était à Caracas, en juillet 2012. Défenseur acharné de la révolution bolivarienne incarnée par le défunt président vénézuélien, M. Mélenchon rend hommage au combat de Chavez et appelle le peuple vénézuélien à protéger son héritage. - Vous qui connaissiez bien l'homme, quel sentiment ressentez-vous après la mort d'Hugo Chavez ?
Nous sommes en deuil. Hugo Chavez est une source d'inspiration pour nous. Il a permis au peuple vénézuélien de reconquérir sa dignité, sa souveraineté politique mais aussi économique, en particulier sur le pétrole. Surtout, il a mis au cœur de son action l'amélioration du sort des plus pauvres. Sa politique a permis d'éradiquer l'analphabétisme, de vaincre l'extrême pauvreté. Ce bilan est une fierté immense. Après les années de dévastation du néolibéralisme, c'est la flamme rayonnante de la révolution citoyenne : l'humain d'abord.
- Chavez avait-il atteint ses objectifs révolutionnaires ?
Hugo Chavez a rallumé la flamme. Après l'effondrement du communisme d'Etat, les libéraux ont voulu faire croire à la fin de l'histoire en général et à la fin de l'intuition communiste et socialiste en particulier. Cette vague de révolutions citoyennes en Amérique latine est une leçon pour nous ; elles sont la réponse des peuples à la violence du néolibéralisme. Il est donc logique que la vague soit partie d'Amérique latine puisque c'est là que le néolibéralisme a été appliqué le plus sauvagement en premier. Depuis, la vague de révolutions citoyennes a traversé l'Atlantique pour atteindre le Maghreb. Et maintenant, elle frappe à la porte de l'Europe : en Grèce, en Espagne, au Portugal, en France. L'autre grande contribution d'Hugo Chavez au socialisme, c'est qu'il a construit son action sur des bases démocratiques, en cherchant à étendre le champ de la démocratie avec une refondation de la nation par une nouvelle Constitution. Sous Chavez, le peuple vénézuélien votait presque tous les ans. C'est une grande leçon pour nous tous !
- Le Venezuela ne risque-t-il pas une déstabilisation politique pour la succession et pendant la période de transition ?
Nous devons être extrêmement vigilants car l'oligarchie vénézuélienne et les agences nord-américaines sont à l'affût. Elles sont prêtes à tout, comme l'a montré la tentative de coup d'Etat contre Chavez en 2002. Chavez avait déjoué les plans criminels de l'adversaire par l'action pacifique et populaire, par la démocratie. La lutte va continuer. Chavez aura réussi à former des dirigeants de haut niveau. Le vice-Président Nicolas Maduro est rompu à la lutte, c'est un ancien syndicaliste. Il a aussi une fine connaissance des relations internationales et une grande expérience du pouvoir. Les Vénézuéliens ont déjà la bonne personne au bon endroit. C'est un motif de confiance et d'espoir. Le peuple vénézuélien est très politisé et je suis sûr qu'il défendra ardemment les acquis de la Révolution et sa souveraineté retrouvée.
- Y aura-t-il un avant et un après-Chavez dans la construction socialiste et révolutionnaire de l'Amérique latine ?
Bien sûr. Hugo Chavez était un personnage central dans la lutte. Il avait un rôle moteur dans l'intégration régionale avec la construction de l'ALBA (Alianza Bolivariana Para Los Pueblos De Nuestra America ou Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique, ndlr) en particulier. Plusieurs dirigeants latino-américains ont dit que c'était une «perte irréparable» pour le continent. Et beaucoup ont décrété un deuil national dans leurs propres pays. Il était en permanence insulté par nos adversaires. D'ailleurs, ils ne respectent même pas la mort : Chavez s'est éteint mais ils continuent leurs injures. C'est dire la peur qu'ils avaient de lui ! Mais ce que représente Chavez ne mourra jamais. L'idéal socialiste, l'idéal d'émancipation ne disparaîtront pas. Nous ne devons pas commémorer, nous devons célébrer ! Célébrer les succès de Chavez et poursuivre le combat.