Le président de l'Assemblée nationale française arrive aujourd'hui à Alger. Dans cet entretien, il estime venu le temps de «parler d'avenir et de voir comment traduire l'amitié entre nos deux pays en coopérations gagnantes». -Votre visite en Algérie intervient dans un contexte politique marqué par le réchauffement des relations entre Alger et Paris à la faveur de la visite d'Etat du président François Hollande. Quel rôle peuvent jouer les Parlements français et algérien pour consolider le dialogue politique ? La visite du président Hollande a ouvert un nouvel âge aux relations entre l'Algérie et la France. Il est temps de parler d'avenir et de voir comment traduire l'amitié entre nos deux pays en coopérations gagnantes. La diplomatie parlementaire peut y contribuer, avec ses moyens, avec sa vision propre qui est celle de responsables affectivement et personnellement investis dans la relation franco-algérienne.L'Assemblée nationale française compte dans ses rangs des compatriotes originaires d'Algérie et du Maghreb. C'est une richesse dont je suis fier et sur laquelle nous pouvons compter. L'heure est maintenant aux nouveaux projets en direction de nos populations et dans le domaine économique. Ce sont les deux axes retenus pour la première session de la Grande commission parlementaire France-Algérie. Je souhaite qu'elle accompagne nos coopérations et qu'elle prépare les prochains rendez-vous. Un exemple : la conférence des présidents de l'Assemblée nationale a décidé, en novembre 2012, la création d'une mission d'information sur les immigrés âgés. Elle se rendra prochainement en Algérie parce que bon nombre d'entre eux sont Algériens. La Grande commission permet de resserrer les liens et de donner une impulsion supplémentaire. C'est un outil précieux que la France partage avec un nombre très limité de pays. C'est dire l'importance que nous donnons à la relation avec l'Algérie. -Quels sont les chantiers de la coopération bilatérale susceptibles d'être engagés à la faveur de la Déclaration d'amitié annoncée à Alger ? Avec la Déclaration d'amitié, nos deux Exécutifs se sont engagés sur une feuille de route précise, qui touche à la plupart de nos secteurs de coopération. Cette feuille de route doit faire vivre dans le temps l'impulsion donnée à la fin 2012. Dix-huit objectifs sont fixés. Pour ma part, je mettrais l'accent sur les enjeux économiques et industriels. Nos deux pays ont à relever des défis communs et peuvent le faire ensemble : la création d'emploi, la densification du tissu productif, l'organisation de complémentarités industrielles, le développement d'infrastructures de qualité. La France est le premier fournisseur de l'Algérie et son quatrième client. Ses entreprises sont présentes dans de multiples secteurs et génèrent environ 40 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects. Elle est aussi le premier investisseur étranger hors hydrocarbures. Les projets récents portés par Renault ou Alstom, qui a réalisé le tramway d'Alger, sont là pour témoigner de notre ambition industrielle commune. L'intérêt de la France, c'est le développement de l'Algérie, car ce n'est qu'ensemble que nous parviendrons à peser dans ce nouveau monde. Nos relations sont denses, mais encore en deçà de leur potentiel, notamment sur le plan des investissements. Des projets de coopération d'importance, surtout pour notre jeunesse, ont également été décidés en matière éducative et culturelle, par exemple l'appui à la création sur le territoire algérien d'une vingtaine d'instituts d'enseignement supérieur et technologique. Le pilotage de ces projets sera assuré par un comité intergouvernemental. Je souhaite qu'il puisse se réunir en 2013 et qu'une complémentarité puisse s'installer avec la Grande commission parlementaire. -Y aurait-il des questions litigieuses sur lesquelles bute la coopération entre les deux Etats ? Notre coopération s'approprie précisément les questions difficiles pour leur trouver des réponses. La circulation des personnes en est une ; les demandes sont importantes de part et d'autre. La France a délivré l'an dernier plus de 200 000 visas à des ressortissants algériens, avec des taux de refus en diminution constante. Des efforts importants ont été réalisés pour améliorer les conditions d'accueil dans les consulats. Sur le plan des procédures, des listes simplifiées de justificatifs ont été établies pour certaines professions à forte mobilité. Un groupe de travail va œuvrer à l'amélioration des dispositifs. Il faut le faire avec le souci de la maîtrise des flux de circulation, mais aussi en tenant compte des besoins économiques et du nouveau climat de la relation entre la France et l'Algérie. La même franchise et la même volonté d'avancer devraient être de mise sur d'autres sujets sensibles : la résolution des cas d'enfants déplacés issus de couples mixtes, l'exercice du droit de propriété de nos ressortissants sur des biens immobiliers en Algérie. -L'un des engagements électoraux de François Hollande était d'accorder le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans. Cet engagement sera-t-il à l'ordre du jour des débats au Parlement ? Pour le moment, nous constatons que nous n'avons pas la majorité parlementaire des 3/5es nécessaire constitutionnellement pour voter une loi comme celle-ci en France. Nous souhaitons cependant, et le président de la République l'a rappelé, inscrire cet engagement le plus rapidement possible à l'ordre du jour. A nous de convaincre celles et ceux chez qui subsistent des doutes de s'engager sur ce projet. Le droit de vote des étrangers aux élections locales serait un signal extrêmement puissant envoyé aux quartiers populaires : celui de l'intégration, celui de la démocratie, celui du vivre ensemble ! -Votre pays est fortement impliqué dans la guerre contre le terrorisme au Mali. L'armée française est-elle partie pour rester longtemps dans ce pays ? Je rappelle que l'intervention française répondait à une demande d'intervention immédiate du président malien, pour faire face à l'agression des groupes terroristes. La France seule avait la capacité de réagir dans l'urgence. Si nos soldats n'étaient pas intervenus, avec le très large soutien de la communauté internationale, non seulement l'Etat malien serait tombé sous la coupe des groupes terroristes, mais la sous-région aurait été menacée et, par contrecoup, l'Europe. Nous n'avons bien sûr pas vocation à rester durablement militairement au Mali. Le président de la République a annoncé hier que nos troupes commenceront à diminuer à partir du mois d'avril. Cela se fera de manière responsable, en fonction de l'évolution de la situation sur le terrain et en concertation avec l'ensemble de nos partenaires. Nous resterons en soutien du Mali, de la Misma et, bientôt, nous l'espérons, d'une force sous la bannière des Nations unies, autant que nécessaire. Je rappelle que l'action de la France repose sur trois piliers : la stabilisation sécuritaire, la stabilisation politique avec le processus de réconciliation intermalien qui doit déboucher sur des élections d'ici juillet et la politique de développement qui nous a conduit à relancer notre aide civile. C'est une action d'ensemble.