Tous les événements artistiques ne sont pas culturels. Et tous les événements culturels ne sont pas artistiques. La preuve, cette campagne annoncée à partir de demain pour l'utilisation du couffin traditionnel et qui m'apparaît, à première vue, comme une action hautement culturelle. De quoi s'agit-il ? D'une initiative de la Fédération algérienne des consommateurs qui vise à réduire le déferlement des sacs en plastiques sur le pays, au point où certains de nos enfants – authentique ! – croient qu'il existe des arbres «plasticiers» sur lesquels poussent, naturellement et en toutes saisons, des sachets ! Bien sûr, je vois certains au fond de la salle, toujours les mêmes perturbateurs, faire des gorges chaudes et murmurer perfidement qu'une Fédération des consommateurs devrait se préoccuper du contenu plutôt que du contenant de nos courses. Aya ! Honni soit qui mal y pense ! Et ce n'est certainement pas Hamid Belkessam, notre radio-écologiste national, pourtant inventeur de la théorie du «oui-mais-car-il-y-a-toujours-un-mais», qui contredira mon enthousiasme à l'égard de cette belle et bonne idée. Mais il y a des mais… Il est prévu de confectionner deux millions de couffins en alpha ou en doum, ainsi que des sachets en tissu en mobilisant des artisans sur tout le territoire national. Nous espérons que l'on privilégiera ceux d'entre eux qui n'ont jamais abandonné le couffin, restant fidèles, en dépit de la mise en supérette de notre univers quotidien, à ce bel objet qui était à l'Algérien un compagnon à la fois utile et agréable, authentique et pratique. Tous ces couffins donc seront distribués par les Chambres des métiers et de l'artisanat, les Scouts musulmans algériens, les associations de consommateurs et de protection de l'environnement, les boulangeries… On a même prévu les grandes surfaces. Mais joueront-elles le jeu quand on sait que les rayons sont liés aux caddies et les caddies aux sachets et tout le monde à la caisse ! On peut douter de leur adhésion durable à un objet qui s'inscrivait dans une certaine poésie du commerce où il y avait surtout des produits naturels et peu de produits emballés. On cite, de même, les concessionnaires automobiles comme distributeurs de ces couffins. Sic ! Comment met-on une «4 chevaux» dans un couffin ? Vaste question. Par honnêteté, je dois avouer que je n'ai pas eu le communiqué officiel de cette campagne et que je me base sur les articles parus. Mais a-t-on prévu aussi cette distribution dans nos marchés de fruits et légumes qui seraient quand même concernés. Et, enfin, question centrale, qu'est-ce qui a été prévu pour la promotion du couffin «auprès» des citoyens ? Car leur en donner sans promouvoir culturellement le couffin à leurs yeux, c'est négliger que – toujours culturellement – beaucoup le considèrent comme un obstacle à la fausse idée qu'ils se font de la modernité. Mais, demain, promis, je prendrai mon vieux couffin. Sachons critiquer et croire.