Les journalistes maliens dénoncent la multiplication des arrestations arbitraires et des tentatives d'intimidation dont ils sont victimes depuis le coup d'Etat de l'an dernier, après l'interpellation récente du directeur du quotidien Le Républicain sur fond de guerre. «Depuis le coup d'Etat du 22 mars, on a l'impression qu'on essaye par tous les moyens de détruire le métier de journaliste», assure à la presse Neimatou Coulibaly, du quotidien Le Combat. «Il y a des intimidations, des arrestations arbitraires, des agressions. On a peur d'être agressé en ville.» Le 22 mars 2012, des putschistes menés par le capitaine Amadou Haya Sanogo renversaient le régime d'Amadou Toumani Touré, jugé incapable de lutter contre la rébellion touareg et des groupes islamistes dans le nord du pays. Mais le putsch a en réalité précipité la chute de la région aux mains de ces groupes. Sous la pression internationale, la junte avait transféré dès le 6 avril le pouvoir à un régime de transition présidé par Dioncounda Traoré. Depuis le coup d'Etat, Neimatou Coulibaly est persuadée que les journalistes «sont sur écoute». Ces derniers mois, sa rédaction a reçu des appels téléphoniques anonymes «pour nous interdire de diffuser des articles sur la police, mais nous n'avons pas cédé», assure-t-elle. Le dernier épisode qui soulève la colère des journalistes à Bamako date du 6 mars : ce jour-là, le directeur de publication du Républicain est arrêté en raison de la publication d'une lettre ouverte de soldats contre le capitaine Sanogo. Son arrestation a provoqué une opération «presse morte», levée jeudi après le transfèrement à la police de Boukary Daou, jusqu'alors détenu par les services de renseignement. Pour Gilles Yabi, directeur Afrique de l'Ouest de l'ONG International Crisis Group, cette arrestation «est la preuve que l'influence» de Sanogo «existe toujours». «On est dans un contexte où le président Dioncounda Traoré, certes renforcé par l'intervention militaire française, cherche toujours à ménager le capitaine Sanogo», affirme-t-il. Le Républicain a réagi en jugeant que «la liberté de la presse a du plomb dans l'aile» depuis le 22 mars, énumérant une demi-douzaine de journalistes arrêtés ces derniers mois. «C'est devenu un peu plus dangereux de faire notre travail», confirme Makan Koné, président de la Maison de la presse, fédération d'associations de presse du Mali. Au-delà, M. Koné estime que le Mali «n'a jamais été un pays de liberté d'expression» contrairement à ce que l'on pourrait croire. Il rappelle à ce propos qu'en 2007, quatre directeurs de publication et un journaliste avaient été arrêtés à la suite d'un article sur la «maîtresse du président» Touré.