C'est à partir de la wilaya de Béchar et devant de jeunes étudiants de différentes universités que le Premier ministre a choisi de réagir au mouvement de protestation initié par les jeunes chômeurs de Ouargla. Des jeunes, qui faut-il le rappeler, ont dénoncé «une discrimination à l'embauche» touchant la jeunesse des régions sud du pays. Béchar. De notre envoyée spéciale
Je reconnais la légitimité des revendications des jeunes de Ouargla, ils ont raison de demander du travail, et je tiens à saluer le sens de responsabilité dont ils ont fait preuve pour l'action pacifique qu'ils ont menée et surtout pour avoir souligné leur attachement à l'unité nationale et l'intégrité territoriale», a dit Abdelmalek Sellal. Le Premier ministre a affirmé que le gouvernement prendra toutes les mesures pour répondre aux revendications de ces jeunes. Le chef de l'Exécutif a aussi tenu à souligner qu'il n'a jamais employé le terme «cherdama ou groupuscule de voyous» en parlant des jeunes de Ouargla. «Je ne connais même pas le sens de ce terme en arabe, comment pourra-je alors l'utiliser ?» La présence du Premier ministre à Béchar deux jours seulement après le grand rassemblement de Ouargla est loin d'être un fait anodin. Il est d'ailleurs difficile de ne pas voir le lien de cette sortie bien programmée, avec le vent de protestation qui vient du Sud. M. Sellal le reconnaît d'ailleurs lui-même, puisqu'il a déclaré devant les représentants de la société civile, que cette visite revêt le même caractère et la même importance que le premier Conseil des ministres tenu par l'ancien président Houari Boumediene en 1966 à Béchar. «Nous faisons le même choix de Béchar et affirmons que nous venons en homme de bien», souligne le responsable de l'Exécutif. Et d'ajouter, dans son discours devant les représentants de la société civile, que «l'objectif au niveau du gouvernement et particulièrement du président de la République est de recouvrer notre force sociale, économique et surtout la force de l'Etat. Une force de l'Etat qui ne doit pas être dirigée contre le peuple mais contre les ennemis du pays». «Nos frontières sont sécurisées» Abdelmalek Sellal affirme que l'attaque de Tiguentourine a «montré au monde que l'Algérie demeure forte, et malgré ce qui se passe dans le Sahel, nous n'avons pas peur. Nos frontières sont sécurisées et personne ne peut nous atteindre». Le Premier ministre plaide toutefois pour «un éveil des consciences afin de ne pas céder à certaines voix qui pour des raisons politiciennes veulent nous mener à un danger certain». M. Sellal estime que la stabilité est la seule garante du développement. Et de justifier que «le gouvernement a octroyé depuis quelques années la priorité aux deux régions du Sud et des Hauts-Plateaux. Sur six visites que j'ai effectuées en tant que Premier ministre, trois ont été destinées au Sud, et c'est une preuve de notre part que nous voulons fournir tous les moyens pour donner plus de chance à cette région qui nous est chère, soyez donc rassurés». Pour tranquilliser ses interlocuteurs, M. Sellal annonce la construction de trois écoles de médecine dans la région sud. «Le Président m'a donné ordre de créer une école de médecine à Béchar, une autre à Ouargla et une troisième à Laghouat. Le décret exécutif a été signé il y a quatre jours. Concernant le problème du chômage dans la wilaya de Béchar, et à la faveur de la cimenterie Saoura qui sera réceptionnée en 2017, 500 emplois directs seront créés ainsi 2000 emplois indirects. Une autre cimenterie sera créée à In Salah, ce qui permettra d'ouvrir des perspectives d'emplois intéressantes». M. Sellal enchaînera pour dire que le problème du chômage en Algérie concerne les jeunes diplômés et non pas la simple main-d'œuvre. «Nous prendrons toutes les mesures pour être à la hauteur de leur confiance, ce ne sera pas facile, mais tout est possible en Algérie.» Toujours sur la lancée de l'apaisement, il affirme que «les grands sages du pays sont originaires du Sud et que c'est là un acquis important». Chose à quoi les notables et autres représentants de la société civile rétorqueront en lançant : «Les gens du Sud doivent être admis aux postes de responsabilité.» Tour à tour, les représentants de la société civile ont exprimé une souffrance due au sentiment de discrimination. «Le Sud est abandonné, des milliards sont dépensés, mais nous n'avons encore rien vu», lance un notable présent. Et à un autre d'enchaîner : «Il y a beaucoup de cadres à Béchar, nous voulons aussi devenir chefs de daïra, walis, ministres… L'emploi est un réel problème ici, nous ne voulons pas des effets d'annonce mais du concret.» Les interventions se suivent et se ressemblent dans le ton de dénonciation d'une marginalisation des «Sahraouis», comme ils disent et un manque de pôle de développement dans la région. Transport, santé, industrie, tourisme, les habitants de Béchar ont tenu à dire leur mot et exprimer leurs attentes. Devant une des escales de la visite d'inspection, des jeunes brandissaient une banderole sur laquelle était écrit «Les enfants de Béchar sont marginalisés et menacés», le cortège ministériel a même été sifflé et hué. Des petits jeunes ont même tenté de le caillasser.