Inédit. Les imams algériens viennent de se doter d'une organisation syndicale. Regroupés hier à l'hôtel Mazafran, sur la côte ouest d'Alger, ces imams, visiblement très conscients de l'enjeu du contrôle des mosquées, ont officiellement donné naissance à cette organisation appelée Coordination nationale des imams et des fonctionnaires des affaires religieuses (Cnifar). La cérémonie d'installation a vu la participation de nombreux imams, mais aussi des représentants des associations et de la société civile. Pour l'initiateur de cette organisation, cheikh Djelloul Hadjimi, l'imam ne doit pas vivre en autarcie. Au contraire. «Etant au cœur de la vie sociale, l'imam doit s'ouvrir à la société, communiquer et contribuer à l'éducation sociale, à prémunir contre les fléaux de toute nature et à protéger les fidèles des vents qui viennent du Nord ou de l'Est», souligne cheikh Hadjimi. Allusion faite aux campagnes de «salafisation» de mosquées, orchestrées par des exégètes venus de l'étranger. Pour cet imam de la mosquée du Télemly, «il est plus qu'urgent de se doter d'une structure capable à la fois de défendre les droits socioprofessionnels des imams et de les prémunir contre les tentatives de manipulation idéologique et politique ou tout autre courant religieux étranger à nos us et coutumes et à notre pratique religieuse héritée de nos vaillants ancêtres». Pour cheikh Hadjimi, il est impératif que les imams retrouvent «la référence religieuse algérienne» et s'éloignent définitivement de «ces innombrables courants religieux hostiles à l'islam». Le désormais président de la Cnifar affirme que cette démarche visant à syndicaliser les imams «s'inscrit entièrement dans la vraie ligne nationaliste, représentée par des personnalités historiques, à l'instar de Cheikh El Mokrani, Lala Fatma n'Soumer et les héros de la guerre de Libération nationale». Cheikh Hadjimi, qui connaît bien les différents courants religieux qui traversent l'Algérie, entend ainsi agir dans le «sens de la préservation de la mosquée en tant que lieu de culte par excellence», loin des luttes politiques ou idéologiques. «Nous nous proposons d'être les porte-voix des imams qui se reconnaissent dans la Constitution et qui défendent la démocratie. Nous allons faire entendre leur voix», clame-t-il. Pour cet éminent imam qui a fait ses preuves sur le terrain en sillonnant les quatre coins du pays, ce syndicat est de nature à «donner une véritable empreinte nationaliste à la profession de l'imam». D'ailleurs, lors de l'installation de ce syndicat, tous les imams se sont mis debout quand l'hymne national a été entonné. Une manière pour eux de se démarquer de ces «imams» qui ont refusé en juin 2010 de se lever pour l'hymne national. Des imams salafistes qui ne se reconnaissent pas dans la République. Cette coordination se veut ainsi un rempart contre la poussée salafiste en Algérie. Une poussée relevée dans des rapports établis notamment par des enquêteurs du ministère des Affaires religieuses et selon lesquels plus de la moitié des 20 000 mosquées que compte le pays sont actuellement sous l'emprise de salafistes.