La révélation d'affaires politiques scandaleuses est en grande partie due, depuis 2010, à un journal d'informations en ligne, Mediapart, créé en 2008. Lyon De notre correspondant A ses détracteurs de la presse bien pensante, Edwy Plenel, le directeur du site d'informations en ligne Mediapart, estime que le rôle du journaliste est d'apporter des informations crédibles, car recoupées. Il n'est pas un accusateur. Ce n'est pas son rôle. Il l'avait expliqué notamment sur le plateau de Canal+, où le chroniqueur lui demandait d'apporter des preuves, lorsque le site avait publié un premier article mettant en question la probité du ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, à qui il est reproché d'avoir possédé, il y a quelques années, un compte dans une banque suisse pour échapper au fisc français. Plutôt que d'enquêter sur ces révélations, l'ensemble des journaux ou presque a été contre Mediapart, accusé de «gauchisme», le mettant sur le banc des accusés. La semaine dernière, lorsque le juge a mis en examen le ministre du Budget, les professionnels des médias ont dû revoir leur point de vue, et reconnaître que le travail des journalistes de Mediapart, loin d'être celui d'un procureur, pouvait néanmoins donner du grain à moudre à la justice, et qu'il n'était pas dans la recherche du scoop à tout prix. D'autant que quelques jours plus tard, comme nous nous en étions fait l'écho dans nos colonnes, l'ancien président Sarkozy, à son tour, faisait l'objet d'une mise en examen dans le suivi de l'affaire Bettencourt, une des nombreuses affaires le concernant (Karachi, sondages de l'Elysée, «financement» de Bernard Tapie, aide libyenne à sa campagne de 2007), autant de dossiers sulfureux, la plupart du temps évoqués pour la première fois par Mediapart. Edwy Plenel, dans une contribution à l'hebdomadaire Marianne, explique : «Nos informations dérangeantes ont toujours mis du temps à briser le mur de l'indifférence et du conformisme médiatiques.» Pour lui, beaucoup de temps a été perdu «en polémiques, tensions et mensonges inutiles, au lieu d'une gestion sereine et apaisée du légitime conflit provoqué par des vérités dérangeantes.» Dans un édito publié en ligne le jour de la démission du ministre du Budget, Hubert Hueras écrivait pour sa part : «donc, Mediapart ne délirait pas et a porté à la connaissance du public, dans le scepticisme et parfois les railleries, des éléments assez solides pour que la justice enquête. Dans une affaire aux conséquences politiques majeures, cette dimension journalistique n'est pas secondaire. Elle vient rappeler que dans une démocratie le rôle essentiel de la presse n'est pas de caresser, mais de gratter, quitte à donner des eczémas.» Et pourtant, écrivait hier le même journal, «les informations s'arrachent par bribes, rien n'arrive sur un plateau.» Alors que le journal en ligne célèbre ses cinq ans avec un bon bilan comptable bénéficiaire, alors que la majorité des journaux papier français sont dans le rouge, cet exemple de l'information sans complexe peut donner à réfléchir. A fortiori, cela réconforte la presse algérienne dont El Watan qui, depuis plusieurs années, ne cesse d'apporter des éclairages sur des dossiers dérangeants par des éléments probants, pour le bien de la démocratie.