Le Forum social mondial de Tunis s'est clôturé en saluant le courage du peuple tunisien dans sa marche vers la liberté et a également exprimé sa solidarité avec le peuple palestinien en lutte pour son indépendance. Tunis De notre envoyé spécial Le Forum social mondial de Tunis s'est achevé, hier, par une grande marche en solidarité avec le combat du peuple palestinien pour son indépendance. Des dizaines de milliers d'altermondialistes ont parcouru de l'avenue Habib Bourguiba jusqu'à l'ambassade de la Palestine sous les cris «Vive la Palestine libre et indépendante». Un mot d'ordre entonné dans toutes les langues du monde. Le Forum social mondial a fait coïncider cette mobilisation en faveur de la Palestine avec la Journée de la terre célébrée chaque 30 mars qui correspond à la date de la mort de six Arabes israéliens lors de manifestations contre la confiscation de terrains par Israël en 1976. Dès la mi-journée, les participants au rendez-vous anticapitalistes, rejoints par des milliers de Tunisiens, arborant des emblèmes des mouvements sociaux mondiaux, ont investi les rues du centre de l'antique Carthage. La puissante centrale syndicale de Tunisie, l'UGTT, a également mobilisé ses troupes à l'occasion tout comme les partis de gauche et nationalistes du pays. Les carrés des manifestants étaient de toutes les nations et de toutes les couleurs. «Nous interpellons les dirigeants de ce monde afin qu'ils puissent mettre fin aux souffrances du peuple palestinien», tonne une militante basque avec des militants tunisiens, vénézuéliens, français, égyptiens et italiens. Les militants du Congrès mondial amazigh aux côtés des autres peuples autochtones ont manifesté en exprimant leur solidarité avec les Palestiniens. Le conflit israélo-palestinien a occupé une place centrale dans les débats durant les débats du FSM. «C'est une excellente initiative que d'organiser cette marche pour la Palestine. Les différents mouvements qui ont participés au forum sont attachés au droit à l'autodétermination des peuples. Au droit du peuple palestinien à un Etat libre. Les opinions publiques de tous les continents militent pour la fin du conflit au Moyen-Orient. Les Etats doivent trouver rapidement une solution à ce conflit qui n'a que trop duré», a déclaré Gustav Massiah, membre du conseil international du FSM et dirigeant d'ATTAC. Les mouvements palestiniens du Fatah, du FPLP et du FDLP étaient fortement représentés avec des dirigeants de haut niveau. Naïf Hawatmeh, du Front démocratique pour la libération de la Palestine, ainsi que le délégué général aux relations extérieures de l'Etat palestinien, Nabil Chaat, étaient présents à la marche. Il manquait Ahmed Saadat, le secrétaire général du Front populaire pour la libération de la Palestine. Il ne pouvait faire le déplacement, car il est derrière les barreaux des prisons israéliennes. Mais il était présent par ses nombreux portraits arborés par les manifestants. Sa femme présente à la manif' était en larmes quand les manifestants appelaient à sa libération ainsi qu'à celle de tous les autres prisonniers palestiniens. Les islamistes absents Très discrets dans les rues de Tunis durant le Forum social mondial, les islamistes tunisiens étaient absents à la marche d'hier. Aucune banderole, ni carré représentant les mouvements islamistes tunisiens n'étaient visibles à la marche de solidarité avec la Palestine. «Ils n'ont pas leur place ici avec nous. Pour les islamistes, la question de la Palestine n'est qu'un fonds de commerce politique. On voit bien comment le mouvement d'Ennahda (au pouvoir) s'allie avec les Qataris qui ne sont qu'un poste avancé de la stratégie américano-israélienne dans la région», critique, Moez, un jeune militant du Front populaire (opposition) qui était dans l'un des carrés les plus compacts de la marche. Des slogans anti-Ennahda étaient entonnés tout au long de la manif. «A bas le pouvoir des Frères musulmans, on leur dit liberté, dignité, ils (les islamistes) nous parlent du prophète», scandent-ils. Des slogans qui n'ont pas plus à Imed, un militant islamiste assis à la terrasse d'un café observant la marche. «Ils sont sévères dans leurs attaques, c'est vrai que la situation est difficile dans le pays, mais il ne faut pas faire dans la division, ensemble nous pouvons redresser le pays», réplique-t-il, justifiant l'absence de son parti à la mobilisation par le fait qu'il ne fait pas partie de la philosophie du FSM. Les alliés d'Ennahda, Ettakatol de Mustapha Ben Djaafer et le Congrès pour la République du président Moncef El Marzouki, non plus, n'ont pas été épargnés par les critiques des manifestants tunisiens. «Ils sont la caution démocratique d'un pouvoir dont l'objectif est de ramener la Tunisie au Moyen-Âge», tacle un dirigeant du Parti des travailleurs anciennement PCOT de Hama El Hamami. En marge du FSM, de vives polémiques entre les différents mouvements politiques tunisiens ont alimenté les chroniques tunisiennes suivies avec beaucoup d'intérêt par les altermondialistes qui ne manquent pas une occasion pour exprimer leur solidarité avec la Tunisie. D'ailleurs, le Forum social mondial, tenu à Tunis, «était destiné à exprimer la solidarité du monde entier avec le peuple tunisien dans son combat pour la liberté», a indiqué un membre du conseil du forum altermondialiste. «C'était pour saluer le courage des forces progressistes tunisiennes qui ont renversé une dictature. Ce forum leur donnera de la vigueur et l'envie de mener ce processus révolutionnaire jusqu'au bout», a estimé Danielle Auroi, député française d'EELV. L'ensemble des participants quittent Tunis avec le sentiment d'avoir contribué à la marche de la liberté. «C'est très particulier que ce FSM se soit déroulé dans un pays voisin qui s'est débarrassé d'un dictateur, il y a tout juste deux ans. C'est une émotion particulière d'y participer, d'autant que le pays vit un processus révolutionnaire», se confie l'activiste algérien Hakim Addad qui est à son 3e Forum social mondial. Ainsi, prend fin cette grande messe altermondialiste à laquelle ont pris part plus de 4500 mouvements sociaux et qui s'est déroulée pour la première fois dans un pays arabe en pleine transformation révolutionnaire. Après quatre jours de débats animés dans plus de 1000 ateliers, où toutes les thématiques pouvant mener vers «un autre monde» ont été abordées, les pourfendeurs du monde capitaliste ont levé le camp pour l'installer dans deux ans probablement au Canada. La terre du printemps érable.