La tension monte depuis quelques semaines entre le gouvernement et les milices armées à Tripoli après le lancement d'une campagne visant à déloger des groupes armés qui occupent plus de 500 propriétés publiques et privées à Tripoli. La campagne initiée la semaine dernière par le ministre de l'Intérieur libyen, Achour Chwayel, s'étendra progressivement à toutes les villes, en particulier Benghazi, la deuxième du pays. Pour montrer sans doute son opposition à la décision prise par Achour Chwayel, un groupe armé qui contrôle une prison à Tripoli a pris d'assaut dimanche le ministère de la Justice. Selon le ministre de la Justice, Salah Marghani, cette attaque est intervenue après que le groupe a été sommé de remettre le contrôle de cette prison aux autorités compétentes. Mohamed Ali Al Gattous, un conseiller du Premier ministre libyen, Ali Zeidan, a été également «enlevé» le même jour par des inconnus dans la banlieue de Tripoli. «Le conseiller et directeur de bureau du chef du gouvernement a été enlevé dimanche soir alors qu'il était en route pour Tripoli. Sa voiture a été trouvée à Tajoura (banlieue est de Tripoli)», a déclaré à la presse une source gouvernementale sous le couvert de l'anonymat. Mohamed Ali Al Gattous qui venait de Misrata (à 214 km à l'est de Tripoli) «a été sans doute enlevé à un point de contrôle fictif», a ajouté la même source, précisant qu'une enquête était en cours pour retrouver le responsable libyen. Dimanche, le Premier ministre Ali Zeidan a expliqué que son cabinet travaillait «dans des conditions très difficiles», faisant état de «menaces de mort» contre les membres de son gouvernement. Face à une insécurité croissante, le gouvernement libyen a promis la fermeté contre les milices hors la loi. Seulement, il lui sera difficile dans l'immédiat de tenir une telle promesse. En proie à une insécurité croissante, les nouvelles autorités libyennes peinent effectivement à former une armée et des forces de sécurité, cédant la place à des milices qui font la loi depuis la chute du régime d'El Gueddafi en octobre 2011. En plus de subir le diktat des milices, la population vit aussi sous la menace constante de groupuscules islamistes extrémistes qui veulent imposer à la société libyenne un ordre salafiste pur et dur. Chantage et menaces de mort Pas plus loin que la semaine dernière, des inconnus ont ainsi fait exploser le mausolée d'un saint musulman dans la banlieue est de Tripoli. Cette attaque intervient quelques mois après une vague d'attaques menée par des islamistes intégristes contre plusieurs mausolées en Libye. Ces intégristes s'opposent à ces sanctuaires érigés à la mémoire de saints, car ces derniers font l'objet d'une «vénération» qui, selon eux, contrevient à l'unicité de Dieu, précepte fondateur de l'islam. Inscrit au patrimoine archéologique national, le mausolée de Sidi Mohamed Landoulsi, un théologien soufi du XVe siècle, est situé dans la banlieue de Tajoura. Au plan social, la situation n'est également pas très reluisante. Le gouvernement tarde à régler les salaires des fonctionnaires. Pour dénoncer ces lenteurs, des protestataires ont ainsi bloqué la semaine dernière des sites pétroliers dans l'est et le sud de la Libye. Craignant une extension du mouvement de protestation à tout le pays, le ministre du Pétrole, Abdelbari Al Aroussi, a d'ailleurs mis en garde contre les incidences négatives de ces mouvements sociaux sur l'économie libyenne. Le ministre a précisé que les protestataires, qui réclament des salaires et des avantages sociaux, ont paralysé le transport de carburant, empêchant ainsi l'approvisionnement en kérosène de l'aéroport Benghazi. Le ministre avait prévenu aussi que ces «blocages auront un impact direct sur la réalisation des projets en cours, notamment dans le domaine de la santé, du transport et des infrastructures de base». Depuis le renversement du régime de Mouammar El Gueddafi en 2011, des violences et des mouvements sociaux ont perturbé la production sur plusieurs sites d'hydrocarbures. Le dernier incident en date – des accrochages entre groupes armés près d'un site gazier dans l'ouest du pays – a provoqué l'interruption la semaine dernière de la livraison de gaz libyen à l'Italie, via le gazoduc Green Stream. La production de pétrole, qui dépassait les 1,6 million mbj, est presque tombée à zéro durant le conflit de 2011. Mais elle a, en quelques mois, retrouvé quasiment son niveau d'avant-guerre. Le principal défi pour Tripoli sera justement de mettre à l'abri cet acquis des contingences politiques et sécuritaires. Autant dire que Ali Zeidan et son équipe ont du pain sur la planche.