Refusée pendant des années, la libération des ondes demeure, cinquante et un ans après l'indépendance de l'Algérie, toujours un projet. Tous les pays, à quelques rares exceptions, ont ouvert le champ audiovisuel sans complexe. Le monde contemporain est ouvert et pluriel. En Algérie, les autorités donnent bien l'impression d'avoir raté deux ou trois marches. L'avant-projet de loi sur l'audiovisuel, préparé portes fermées par le gouvernement, est marqué par les résidus de la pensée unique. Le chemin de l'ouverture est parsemé d'embûches métalliques, de mines antipersonnel et de bombes à retardement. En amont, les rédacteurs du texte de loi préviennent contre ce qu'ils appellent «les risques» d'une «liberté non contrôlée». Et, ils se sont livrés à une véritable débauche de conditions, de contraintes, de mesures préventives, de limites, d'autorisations… Tout pour bloquer l'initiative privée dans le secteur de la communication audiovisuelle et, bien entendu, mettre entre parenthèses «la liberté» tant redoutée. Une nouvelle structure, généreusement appelée Autorité de régulation, aura droit de vie et de mort sur les projets de radio et de télévision. Cette autorité, qui sera désignée en grande partie par la haute administration, aura même le pouvoir de «surveiller» les contenus des nouvelles chaînes. Autorité de censure ? Oui. Et pour serrer plus les câbles, les législateurs ont élaboré un cahier des charges où rien n'a été oublié : un véritable carnet d'interdits. Le gouvernement à travers ce document noir élabore, à sa manière, l'éthique et trace la déontologie pour les professionnels. Des professionnels qui doivent traverser des dizaines de pièges bureaucratiques et sécuritaires pour se faire «accepter» par la «Cour» royale de l'Autorité de régulation. Comme si les autorités algériennes s'apprêtaient à dresser un filet géant pour empêcher d'atteindre le ciel et de capter les ondes «nocives». Il faut donc fouiller, creuser, chercher en profondeur pour trouver où se cache cette réforme tant chantée dans les jardins de la République. Une République qui a peur de l'initiative algérienne et qui veut, encore une fois, quadriller la liberté d'expression et la liberté d'opinion. C'est simple : l'avant-projet de loi sur l'audiovisuel doit être retiré en entier et sans condition aucune. Si ce texte est maintenu tel quel, l'ouverture de l'audiovisuel en Algérie n'aura pas lieu. L'ENTV et ses futurs enfants continueront alors à meubler la vacuité générale par les blagues, les chants folkloriques et les sketchs… Bref, par le menu spécial du «tout va bien» !