En Algérie, les agriculteurs, faute de moyens, utilisent peu d'engrais. Une chance pour le développement d'une agriculture biologique. Encore, faut-il que l'Etat encadre la filière. Biskra de notre envoyé Et si le retard pris par l'Algérie dans le développement de son agriculture était une chance pour l'émergence d'une agriculture saine, biologique ? C'est en tout cas le constat fait par Houria Hadjira Abdellaoui, ingénieure agronome à Aïn Témouchent et qui a présenté dernièrement une communication sur le sujet.* «Notre système de production est essentiellement extensif, rappelle Hadjira Abdellaoui. Cela veut dire que les fellahs utilisent principalement les ressources naturellement présentes sur place. En Algérie, il existe un nombre important de produits agricoles réalisés dans des conditions extensives et qui peuvent être assimilés à des produits biologiques, car leur processus de production réunit dans sa quasi-intégralité les conditions exigées par l'agriculture bio.» Cette pratique agricole permet à l'Algérie de s'enorgueillir, pour une fois, d'être classée en dernière position des pays maghrébins, en termes d'utilisation d'engrais. On estime, en effet, à 7% les terres agricoles recevant des intrants chimiques (engrais), ce qui représente un taux de 17 kg/ha, alors que celui-ci grimpe à 25 kg/ha au Maroc et 30 kg/ha en Tunisie. Ces niveaux restent, évidemment, loin des 100 kg/ha atteints dans les pays de la rive nord-méditerranéenne, comme la France. Mais pour le professeur Fouad Chahat, directeur général de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), si les perspectives d'un développement d'une filière agricole plus saine peuvent être envisagées, il ne faudrait pas brûler les étapes. Le patron de l'INRA préconise plutôt une politique des «petits pas». Il rappelle que si, jusqu'à maintenant, l'Algérie a plutôt poussé à produire plus, il faut désormais apprendre à produire mieux. «Nous devons dans un premier temps encourager les fellahs à moins utiliser des produits chimiques, préconise Fouad Chahat. D'ailleurs, à l'INRA, nous avons mis en place un programme qui va dans ce sens, à travers des fermes-pilotes. Nos fellahs y trouvent l'aide technique nécessaire, car l'agriculture biologique demande une maîtrise du processus.» Hadjira Abdellaoui reconnaît effectivement la difficulté de ce mode de production, car comme elle le souligne : «L'agriculture biologique est très difficile, exigeante et très complexe.». Maîtrise Dans un pays où la majorité des fellahs sont analphabètes, l'agriculture biologique, et ses exigences, se heurte à des contraintes qui risquent de freiner son développement et de ne pas trouver preneur. «Le secteur est totalement désorganisé, avoue un cadre de la direction de l'agriculture de Biskra. Le développement du bio passe obligatoirement par l'intérêt croissant des grands industriels pour le secteur. Que ce soit Rebrab, Tahraoui (lire reportage) ou Benamor, tous se sont lancés dans l'agriculture. Ils comptent dans un premier temps se lancer dans une production issue de la culture intégrée (utilisation raisonnée des produits chimiques), puis passer à la culture biologique quand il s'agira d'exporter une partie de leur production.» L'autre défi à relever consiste à mettre en place un cadre juridique pour les produits biologiques. Ainsi qu'un label. Au ministère de l'Agriculture, Kheireddine Sekour, agronome et chef de bureau de la direction du développement agricole des zones arides et semi-arides (DDAZASA), assure qu'un projet de loi est déjà dans les cartons et sera bientôt proposé en conseil de gouvernement. Au ministère, on en est toujours à préparer des projets et à recenser les moyens pour mettre en place une agriculture qui favorise les «produits de qualité». «Plusieurs parcelles d'une superficie globale de 710 hectares ont été identifiées cette année à travers tout le territoire national pour les convertir à l'agriculture biologique. La priorité est donnée aux terres ayant une tendance vers le bio, c'est-à-dire, celles qui n'ont pas subi de fertilisation chimique par les engrais pendant au moins trois ans.» * Approche algérienne en matière d'agriculture biologique