Le problème des inondations est lié au bétonnage des terres. cette situation a favorisé le ruissellement et a réduit l'infiltration des eaux. Les paysages de ces lopins de terre, enfouis dans les tréfonds de la Mitidja et si convoités, ne cessent de subir le harcèlement des effets anthropiques. Les villages de Ben Hamdane et Ben Chaâbane en sont des exemples. Une simple virée du côté de ces deux villages, via une route très dégradée et difficilement carrossable, joignant l'embouchure de l'oued Mazafran à la commune de Boufarik, rend compte de la bêtise humaine. Les ordures, mélangées aux eaux usées qui coulent à ciel ouvert sur des centaines de mètres, longent de part et d'autre ce chemin, qui donne l'impression de ne mener nulle part. Un berger, qui rôdait dans le coin, nous a assuré que ces paysages sont transformés en zone d'épandage des eaux usées depuis plusieurs années, alors que les gens, à leur corps défendant, se sont habitués à ces odeurs nauséabondes qui empestent les lieux sur plusieurs kilomètres. Des eaux bleuâtres, qui semblent à peine s'écouler sur une faible pente en aval de la Mitidja, provoquent l'asphyxie des vergers. Une fois en aval, nous ne sommes plus qu'à 14 m au-dessus de la Méditerranée. Des eucalyptus, dont les troncs baignent dans des eaux peuplées de joncs, semblent surgir du néant. Au milieu d'une strate herbacée bien dense, les cigognes, en quête de nourriture, emboîtent le pas à un troupeau de vaches en pâturage. Mais attention, ce paysage bien verdoyant n'est pas dû à Dame nature. «Cette exubérance de la flore lacustre n'est pas rassurante, puisqu'elle révèle la présence d'une pollution biologique due aux rejets riches en nutriments, notamment le phosphore et l'azote. Ces derniers sont issus, pour la plupart, des industries du secteur de l'agroalimentaire, des eaux usées domestiques et des pesticides utilisés par les agriculteurs», explique Belaïdi Mouloud, hydrogéologue à l'Agence nationale des ressources hydriques, direction régionale de Blida. Vieillissement prématuré des vergers ! Au manque flagrant de drainage des eaux de pluie et, plus grave encore, des eaux usées, la mauvaise herbe a envahi complètement des dizaines de vergers éparpillés de part et d'autre du chemin cahoteux qui vous mène à Boufarik. Un vieux briscard, sexagénaire, qui connaît bien la région, jure qu'on fait exprès et depuis des années, ces champs où poussent à merveille ces arbres qui donnent une excellente variété de clémentine, de pêche…, sont délaissés pour justifier leur déracinement et plus tard un bétonnagePreuve à l'appui, il nous mène droit vers un ancien verger, quoique bien clôturé, dont les arbres (agrumes) ont été complètement déracinés. Ce lieu sera sans doute remplacé par du béton. Vers la droite, au niveau de la localité de Ben Hamdane, d'un doigt vacillant, le sexagénaire nous montre une centaine de pêchers en état de dégradation avancée. «Tous les vergers que je vous ai montrés sont encore jeunes et donnent encore des fruits de haute qualité, et ce, à condition qu'il y ait un minimum d'entretien : débroussaillage, désherbage et un petit labourage pour que la terre puisse respirer», explique-t-il. Notre passage sur les lieux coïncide avec une opération d'abattage de plusieurs eucalyptus de plus de dix mètres de hauteur. Pour notre compagnon, cela n'est que l'arbre qui cache la forêt. Pour soi-disant ouvrir un chemin, construire une bâtisse…tout justifie l'abattage des arbres, même centenaires. Le massacre des arbres d'ornement et des brise-vent, entre autres, ces fameux cyprès, protègeant les champs agrumicoles de la Mitidja des violentes bourrasques des vents dominants, avait, lors des années 1990, soulevé un tollé dans la presse écrite. C'était surtout la région de Boufarik, Bouinan et Soumaâ qui ont le plus souffert de ces coupes criminelles. Le phénomène, quoique à petite échelle, continue doucement, sournoisement, lentement, mais aussi sûrement. Chut! On massacre les arbres ! Sur les lieux, de jeunes fellahs, ainsi qu'une cohorte de jeunes oisifs rêvant certainement d'un lendemain meilleur, crient leur désolation à qui veut bien les entendre. Au-delà des revendications invariables, manque de commodités les plus élémentaires, chômage, logement…,les habitants de Ben Chaâbane pointent un doigt accusateur : l'urbanisation des zones qui surplombent leur localité, à savoir les piémonts du Sahel. L'aggravation des problèmes d'inondation est due aussi au bétonnage des terres, ce qui augmente le ruissellement et diminue l'infiltration. Cela risque aussi d'asphyxier de grandes parcelles d'arbres fruitiers. Le morcellement des terres et le rétrécissement des vergers agrumicoles sont très visibles. Des parcelles de terre,de plusieurs hectares, sont entourées de murs en parpaing pour on ne sait quel futur projet. De nouvelles bâtisses naissent çà et là, le foncier de cette zone de la Mitidja, qui semble bien caché et loin de tout contrôle, continue de rétrécir comme une peau de chagrin. Quant aux conséquences désastreuses…