La pièce Montserrat, de Djamel Guermi, rappelle que le combat pour la dignité et la liberté n'est jamais perdu d'avance. Deux heures. La pièce Montserrat mise en scène par Djamel Guermi dure 160 minutes. Jusqu'au bout de l'histoire. «Une pièce classique comme celle-ci ne doit pas obéir aux considérations du temps ou des attentes du public. On nous dit que la pièce doit être réduite à une heure. Non. Il faut habituer le public à des pièces qui durent, même s'il faut, deux, trois heures. Le spectacle doit être complet. Le théâtre algérien ne peut pas aller loin si on le limitait à ce que veulent les spectateurs. Ailleurs, on n'hésite pas à présenter les pièces dans leur intégralité, même s'il faut introduire des entractes», a soutenu Djamel Guermi, plaidant pour davantage d'investissements dans les pièces classiques. Montserrat a été présentée, lundi soir, au théâtre régional de Sidi Bel Abbès à l'occasion du 7e Festival culturel du théâtre professionnel. C'est une pièce écrite par Emmanuel Roblès en 1948, et traduite par Mohamed Farrah. Ce dernier, qui fut responsable de la section arabe de l'Opéra d'Alger en 1949, est connu par ses adaptions des pièces de Molière. Montserrat a été jouée pour la première fois à Alger à la même période, puis remontée, une seconde fois, en 1965. Taha El Amiri et Nadia Talbi, qui avaient joué dans les pièces précédentes, sont revenus sur scène avec la nouvelle représentation de Djamel Guermi. Les deux grands noms du théâtre algérien ont joué aux côtés d'autres illustres comédiens, comme Abdelnour Chalouche, Kamel Zerara, Mourad Awjid, Hafid Berkane et Abdelhamid Akrawane. Le metteur en scène, qui a été assisté de Sid-Ali Bouchafaâ, a fait appel à des jeunes comédiens comme Kamélia Idrissi et Ilyasse Boularaf. En 1812, les troupes d'occupation espagnoles traquaient le révolutionnaire Simon Bolivar au Venezuela. L'armée royale massacre les villageois, violent les femmes, brûlent les maisons...Sans aucune pitié. L'évêque (interprété par Taha El Amiri) accorde sa bénédiction à la répression au nom de «la loyauté» au roi. Les costumes rouges et noirs symbolisent probablement la sainte alliance entre l'Eglise et le palais. Montserrat, un soldat sympathisant de Bolivar, est emprisonné par le premier lieutenant, Izquirido, pour lui faire avouer l'endroit où se cache le combattant de la liberté. A chaque heure, l'officier fait exécuter six personnes pris au hasard dans la rue pour faire pression sur lui. Les captifs implorent Montserrat de parler pour leur éviter la mort. La pièce est intensément jouée, même si certains comédiens n'ont pas totalement adhéré à l'action scénique et à certaines situations. La scénographie, conçue par Abdelghani Chantouf, qui représente une forteresse, est restée rigide malgré l'évolution du drame. L'utilisation du fer dans la construction sur scène est supposée représenter l'horreur de la torture et de la puissance. La chorégraphie ajoutée à la pièce paraissait parfois de trop. En dépit de cela, Montserrat, produite par la coopérative Port Saïd que dirige Mohamed Aouadi, réconcilie quelque peu le public avec le théâtre classique. Les présents n'ont pas quitté la salle jusqu'à la fin de la représentation. Ce qui est déjà un bon signe pour un théâtre en quête de pièces qui invitent à la réflexion, mais qui offrent aussi des moments de détente. «Je pense que la réussite peut venir de la sincérité et de l'honnêteté dans le travail. Le texte de Roblès est actuel. Bolivar était un homme qui luttait pour la liberté et croyait en l'avenir. Donc, le choix du texte n'a pas été fait au hasard. Cela dit, on ne doit pas donner des leçons au public sur scène, mais leur offrir un spectacle», a souligné Djamel Guermi.