L'Irak se dote enfin d'un nouvel exécutif, du moins les premiers responsables des différentes institutions comme le premier ministère, la présidence de l'Etat, et celle du parlement. Ce n'est pas peu quatre mois après les élections générales. Les Etats-unis ainsi que la Grande- Bretagne n'ont pas manqué de saluer cette réussite qui demeurera pourtant toute relative dans un pays ravagé par la violence, et désormais marqué par les clivages ethniques. La journée d'hier a commencé avec six nouveaux civils irakiens tués et deux autres blessés lors d'une série d'attaques au mortier à proximité de l'entrée du ministère de la Défense à Baghdad. Les obus ont explosé juste à l'extérieur des murs délimitant la Zone verte, le secteur abritant les principales institutions irakiennes et les ambassades américaine et britannique. De nombreuses personnes attendaient de pouvoir pénétrer dans la Zone verte, à cette heure matinale. Dans le même temps, trois obus de mortier ont explosé près d'un stade de football dans l'est de Baghdad et deux autres à proximité du ministère de l'Intérieur, dans le centre de la capitale, sans faire de victimes. Par ailleurs, les corps de six jeunes hommes non identifiés, tués d'une balle dans la tête, ont été découverts dans le nord de Baghdad. Là réside l'urgence pour l'Irak qui s'est finalement doté d'une présidence qui a chargé un nouveau Premier ministre de former un cabinet, après avoir désigné un chef du Parlement et ses adjoints. Fruit de longues discussions, de savants équilibres à caractère ethnique et confessionnel. Le président Jalal Talabani a été réélu et a demandé au chiite Jawad al Maliki, du bloc parlementaire dominant, de former le cabinet. Le président Talabani parlait en son nom et au nom des vice-présidents, le chiite Adel Abdel Mehdi et le sunnite Tarek al Hachémi, également nommés samedi. Ils ont été désignés à ces postes par les députés, après l'élection d'un président de l'Assemblée, le sunnite Mahmoud Machhadani. La crise politique dans laquelle le pays était plongé a commencé à se dissiper avec l'annonce du Premier ministre sortant, Ibrahim Jaâfari, qu'il était prêt à renoncer à sa candidature à la tête d'un nouveau gouvernement. Son groupe parlementaire, celui de l'Alliance unifiée irakienne (128 députés sur 275) a ainsi choisi le numéro deux de son parti, Dawa, qui n'était pas contesté comme lui par les Arabes sunnites et les Kurdes. Un accord négocié par les différents groupes parlementaires a permis d'arriver au résultat de samedi, qui a vu le Parlement, dont deux réunions ont été reportées dans l'attente d'une entente, tenir finalement session. Il a commencé par élire le sunnite Mahmoud Machhadani à sa présidence. Cet islamiste du Front de la Concorde nationale était le seul candidat. Inconnu du grand public et médecin de profession, il s'est présenté aux députés comme un islamiste qui s'est opposé au régime baâthiste de Saddam Hussein. Il avait été emprisonné à deux reprises sous ce régime. Le chiite Khaled al Attiya et le Kurde Aref Tayfour ont été élus adjoints du président du Parlement. Le premier est un dirigeant du puissant Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), présidé par Abdel Aziz Hakim, et le second est un des leaders du Parti démocratique du Kurdistan de Massoud Barzani, président de la région autonome kurde (nord). Le Parlement a ensuite choisi le Conseil de présidence. Le Kurde Jalal Talabani a été réélu ainsi que le vice-Président chiite Adel Abdel Mehdi. Le sunnite Tarek al Hachémi, dont la candidature avait été contestée par les chiites, a obtenu la deuxième vice-présidence. Deux postes à la tête de l'Etat n'ont pas été attribués, ceux de vice-Premiers ministres, tandis que le choix des sept autres a provoqué des grincements chez deux groupes parlementaires qui n'ont eu aucun poste. Ainsi, Mehdi al Hafez, de la liste de l'ancien Premier ministre, le chiite laïc Iyad Allaoui a indiqué que ses 25 députés ont voté blanc samedi pour marquer leur désaccord avec le système de quotas confessionnels à la base, selon eux, des sept nominations. Saleh Motlaq, un Arabe sunnite, dont le groupe a 11 sièges, a dit la même chose, en affirmant qu'il ne s'agit nullement d'un exécutif d'unité nationale. Voilà donc ce qui caractérise la nouvelle réalité irakienne, où chaque partie espère ne pas être marginalisée, ou écrasée par les autres.