Une nouvelle étape s'ouvre pour l'Irak après la levée des sanctions et la nomination d'un représentant des Nations unies. L'adoption, jeudi, par 14 membres du Conseil de sécurité - la Syrie n'ayant pas pris part à la réunion - de la résolution 1483 parrainée par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Espagne, ouvre un nouveau chapitre dans la crise irakienne. En effet, la résolution 1483 en levant les sanctions imposées à l'Irak - depuis août 1990, au lendemain de l'envahissement de l'émirat du Koweït - tout en permettant au pays de retrouver ses attributs, légitime en quelque sorte, a posteriori, la guerre imposée à l'Irak et les conséquences directes qu'elle a induites : l'occupation du pays par la coalition américano-britannique. Cela entre quelque peu dans l'ordre des choses qui se met en place, d'autant plus que, le même jour, l'administrateur américain en chef de l'Irak, Paul Bremer, annonçait la décision de la dissolution de l'armée irakienne et de la «restructuration de plusieurs ministères (Défense, Information entre autres)». Un des adjoints de Bremer commentant cette dissolution de la «quatrième» armée du monde, (dixit le président Bush père, en 1990), indique que c'est là «un premier pas vers la création d'une force nationale de défense pour l'Irak libre». Un «Irak libre» où, pour le moment, les Irakiens ne disposent d'aucun pouvoir, même pas de strapontins dans la direction du pays accaparé par la coalition américano-britannique. Aussi, la satisfaction du président Bush se comprend-elle, quand il déclare: «La résolution du Conseil de sécurité affirme que les Nations unies auront un rôle vital approprié dans la reconstruction de l'Irak et la transition vers un nouveau gouvernement». On notera que M.Bush parle de «rôle approprié» celui que la coalition aura, au préalable, défini pour le représentant des Nations unies. Celui-ci, Sergio Vieira de Mello, a été désigné, pour quatre mois, vendredi, par le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, représentant en Irak de l'ONU. C'est avec ce représentant que le président américain compte «travailler (....) à aider l'Irak à récupérer de trois décennies de dictature brutale». Le président Bush ajoutera que les Etats-Unis et ses partenaires de la coalition «resteront aussi longtemps que possible en Irak pour remettre le pays sur le chemin de la démocratie avec un gouvernement uni et représentatif qui respecte les droits de l'Homme et l'Etat de droit». Dès lors, par l'adoption de la résolution 1483, l'ONU n'aura fait que confirmer et officialiser la tutelle des Américains et des Britanniques sur l'Irak, le rôle même de l'ONU - quoi que l'on en dise - demeurant conditionné par les priorités que définira l'administrateur en chef américain, Paul Bremer. En vérité, contrainte et forcée, l'ONU a fini par entériner le fait accompli, ce que l'ancienne opposition irakienne refuse, pour le moment, d'accepter. Ainsi, l'ayatollah Mohamed Baqer Al-Hakim, s'interroge: «Les Irakiens ont atteint l'âge de raison. Pourquoi n'ont-ils pas le droit de former un gouvernement et de gérer les affaires?», le dirigeant de l'Asrii (Assemblée suprême de la Révolution islamique en Irak), accusant la coalition de s'être «transformée en pouvoir d'occupation». L'ancienne «opposition» à Saddam Hussein, qui ne parvient toujours pas à s'entendre sur un programme de gouvernement, découvre, à ses dépens et quelque peu dépitée, qu'il lui faut d'abord faire ses preuves. C'est qui est loin d'être évident. Car entre-temps la coalition a pris un certain nombre de décisions parmi lesquelles «l'interdiction de possession d'armes lourdes et automatiques» imposant par ailleurs, d'ici à la fin de juin prochain, des permis pour «les armes légères». Le commandant de terre américain a toutefois indiqué que les Kurdes, en Irak du Nord, garderont leurs armes lourdes et seront exemptés des décisions appliquées pour les armes. Ainsi, les Etats-Unis affirment sans ambages leur tutelle sur l'Irak. Et la levée des sanctions leur facilitera la tâche d'autant plus que, comme l'indique l'administrateur en chef, Paul Bremer, dans un communiqué de l'Office de reconstruction et d'aide humanitaire (Orha), «La levée des sanctions imposées par les Nations unies à l'Irak est un pas décisif pour aider le peuple irakien à retrouver la vie normale». Certes! Toutefois, il apparaît surtout que cette levée de sanction, tout en donnant certainement aux Irakiens de pouvoir souffler, est avant tout un blanc-seing accordé aux Etats-Unis qui seront seuls à décider des opportunités et priorités de la reconstruction de l'Irak. Tout comme ils viennent, à leur seul niveau, de requalifier la mission des experts de l'Aiea (Agence internationale de l'énergie atomique) dont le retour en Irak est envisagé par les responsables de l'agence onusienne. Dans une déclaration à la presse, Julie Reside, porte-parole du Département d'Etat américain, a ainsi affirmé que «Les Etats-Unis et l'Aiea sont en train de finaliser des plans pour l'envoi d'une équipe de l'Aiea en Irak, sous la protection et les auspices des forces de la coalition, afin d ‘effectuer une inspection de sécurité des matériaux nucléaires près d'Al-Tuwaitha». Avec cette précision, de taille, que cette mission «se fera conformément aux tâches (ordinaires) de l'Aiea en vertu du traité de non- prolifération nucléaire et non au titre du désarmement de l'Irak» Le désarmement? Une vieille histoire selon toute apparence!