Quelque 70 familles vivent au dépôt de La Glacière, aux abords de Oued El Harrach, depuis les années 1950. Les airs salés de la mer et les odeurs nauséabondes de l'oued constituent l'essentiel du « cadre de vie » de ces familles. Le quartier, infâme, est situé à l'extrémité de ce qui reste de la zone industrielle de Hussein Dey, cloîtré entre les communes de Mohammadia et Magharia (ex-Leveilley). La situation des habitants, indique-t-on, est connue de toutes les autorités à l'échelle de la wilaya sans que cela ne change quoi que ce soit à leurs conditions de vie jugées des plus dramatiques. Vue notamment à partir du pont qui traverse Oued El Harrach, La Glacière se présente comme un ramassis de carcasses d'anciennes constructions coloniales qui résistent toujours à l'usure du temps. Il faut visiter les lieux pour se rendre compte que des gens y vivent. Le quartier est longé par une route principale qui communique avec la commune de Magharia par un pont. L'endroit est réservé aux vendeurs à la sauvette de La Glacière. C'est uniquement en prenant une voie secondaire que l'on découvre les baraques construites à base de parpaings. Les résidants jurent qu'il n'existe aucun étranger sur les lieux. Il ne s'agit donc pas de squat ni d'indus occupants, selon leurs dires. « Tous les habitants sont des natifs du quartier. Au fil des ans, les familles se sont agrandies. Les fils se sont mariés et le nombre des habitants s'est multiplié. Faute de logements, beaucoup de pères de famille ont dû construire des baraquements pour mettre à l'abri leur famille », affirme un résidant père de trois fils, tous mariés et ayant construit des échoppes aux alentours de la bâtisse qui abrite le logement parental. A l'origine, il y a donc cette bâtisse édifiée à l'intérieur de ce qui ressemble à une caserne. A l'entrée, l'on remarque l'inscription CGD que personne n'a pu identifier avec une date : 1906. Un siècle d'existence. Cette bâtisse abrite toujours huit « locataires ». La construction présente, cependant, un danger imminent pour ses occupants. N'étant pas assez solide, les murs de ce bâtiment sont lézardés de fissures assez longues et larges sur certaines parties extérieures. La terrasse est abîmée par la stagnation des eaux pluviales. « Au cas où il y aurait une secousse, même faible, nous pensons que l'état de l'immeuble s'aggraverait davantage, et il y aurait même des risques de danger pour les locataires. A notre avis, il est nécessaire de déplacer toutes les familles, à commencer par celles habitant les étages supérieurs. » Ce constat n'est pas d'aujourd'hui. Il a été établi, en décembre 1980, par la Société nationale d'études, de gestion, de réalisation et d'exploitation industrielles (Sneri). Etat des lieux des plus inquiétants qui n'a été suivi d'aucune mesure de relogement comme suggéré par le rapport. Face à cette ancienne bâtisse, un grand hangar ouvert aux quatre vents se dresse à votre regard. L'infiltration des eaux pluviales et l'effritement des murs n'ont pas empêché plusieurs familles d'y élire domicile. Abdelouahab Hamoudi, résidant à La Glacière depuis 1964, témoigne : « Depuis que nous sommes là, aucun habitant n'a bénéficié de logement », affirme-il. Sa demande date pourtant de 1987. Sonelgaz a réclamé, par le biais de la justice, l'expulsion des familles sous prétexte que le terrain lui appartient. Une décision a été prononcée par la justice mais demeure toujours en suspens. Contacté, le P/Apc de Hussein Dey, avant de nous orienter vers le wali délégué, avouera que ce problème « dépasse les prérogatives de l'APC » du moment, dit-il que tout programme de (re)logement dépend de la wilaya. Notre interlocuteur affirme, toutefois, ignorer les raisons qui ont poussé ces familles à demeurer sur les lieux même après l'indépendance. Par ailleurs, toutes nos tentatives de joindre le wali délégué de Hussein dey sont restées vaines.