Tizi n'leryah est le titre du nouvel album de Ali Amran, qui doit sortir cette semaine. Très attendu par ses nombreux fans, après le succès phénoménal d'Akki d'Amur, en 2009, Ali Amran, qui a conquis un public qui ne cesse de s'agrandir, confirme tous les espoirs placés en lui. D'abord, en termes de style, Tizi n'leryah est de la même veine que le précédent opus : C'est un cocktail de ballades dans le style pop-rock, mâtiné de sonorités kabyles. L'album contient dix nouvelles compositions, sans reprise ni adaptation, dont le mixage final s'est déroulé dans un studio canadien. Dès l'écoute, on peut dire que Tizi n'leryah est une œuvre de confirmation, de maturité d'un artiste qui a trouvé sa voie et sa voix. «Sur le plan musical, je suis un peu plus rassuré.Je me suis juste permis quelques petites touches nouvelles. Par exemple : un saxophone par ci ou un tapis de violon par là», affirme Ali Amran, rencontré par El Watan, en Kabylie, sur le tournage d'un film historique où il tient un second rôle. «Il y a un peu plus de recherches et un travail un peu plus approfondi sur Tizi n'leryah», explique le chanteur. Une fois de plus, Ali a renouvelé sa collaboration avec l'Anglais, Chris Birkett, arrangeur, producteur et ingénieur du son, qui a su sublimer ses compositions. Pour le reste, la voix d'Ali Amran et sa guitare acoustique sont toujours là pour renouveler l'essentiel d'un long voyage musical, où l'on remet difficilement les pieds sur terre. Cependant, il faut prendre son temps avec ce nouvel opus, car ce n'est pas le genre d'œuvre dont on peut faire le tour en une seule écoute. Plus on écoute cet album au son épuré, truffé de subtilités musicales et de nuances, plus on l'apprécie. Ali Amran propose un véritable voyage musical et thématique. Tizi n'leryah, c'est littéralement, «le col des vents», mais il est également, dans la rhétorique kabyle, celui des inspirations. «Au degré zéro, c'est le passage entre deux montagnes, mais c'est également le passage entre deux mondes», dit Ali. Celui des Iderwichen, ces mediums qui communiquent avec un autre univers. C'est le sommet de jonction avec le monde des génies tutélaires, qui habitent les montagnes, et les poètes. Ali propose un regard introspectif porté sur une génération dont il se fait l'interprète, pour dire les espoirs déçus, les désillusions et les rêves brisés sur les trop nombreux esquifs que les marchands de la politique ont semés sur le sentier de la vie. Pour les thématiques, Ali Amran a choisi d'aborder ces questions qui interpellent, comme la place de la femme dans une société qui ne cesse de changer, le mal-être d'une jeunesse qui a perdu ses repères, la violence qui gangrène la nation, la frustration sexuelle. Si les thèmes sont parfois graves, le regard de l'artiste est rarement sombre, plutôt porteur d'espoir. Même si les ballades de Ali Amran traînent une indicible mélancolie, ses poèmes, finement ciselés, disent que l'espoir est toujours permis. Anifiyi ad argugh (laisse-moi rêver) est une supplique, un cri qui déchire cette complainte où l'artiste supplie Anfassi thuzyint atsefagh ithkuzint, laisse la belle sortir de la cuisine. En définitive, Tizi n'leryeh est un album d'une très grande sensibilité et d'une finesse sublimée par cette voix puissante et chaude, qui remplit tous les espaces du cœur et de l'esprit. Ali Amran ne chante pas, il interprète des chants dont il n'est nul besoin de comprendre les paroles pour en saisir le message. Ce message, que l'on peut saisir par son cœur, son esprit ou tous les pores de sa peau, est celui d'un homme qui s'élève de sa condition humaine, qui élève sa voix et ses tourments vers les cieux et vers les dieux. C'est sans doute là qu'Ali Amran atteint l'universel.