Le cafouillage et la gestion parcimonieuse et décalée de l'événement par les canaux officiels de la santé de Bouteflika, victime d'un accident vasculaire samedi 27 avril, remettent au goût du jour la question cruciale de la crédibilité des sources médicales algériennes. Sans remettre en cause la probité et la compétence des médecins algériens appelés au chevet du président Bouteflika avant son transfert à l'hôpital militaire parisien du Val-de-Grâce, beaucoup s'interrogent si l'équipe médicale algérienne n'a véritablement rien caché au peuple algérien. Les arguments ne manquent pas, en effet, pour douter du bien-fondé du laconique communiqué officiel et du bilan médical diffusé par le médecin traitant, le professeur Bougherbal, concluant que l'AVC du Président était sans gravité et que son état de santé nécessitait juste quelques jours de repos. Question de simple bon sens : si cela était réellement le cas, pourquoi alors a-t-on décidé de son transfert, sous le sceau de l'urgence, à l'étranger ? Deux hypothèses à cela. Ou bien on a estimé que l'équipe médicale algérienne n'a pas la compétence nécessaire et que nos équipements médicaux ne sont pas outillés pour prendre en charge ce type de pathologie. Ou bien alors on a tout bonnement menti au peuple algérien. Contrairement au ton rassurant du bilan officiel, l'état de santé du Président constituait, selon toute vraisemblance, une source d'inquiétude sur le moment et pour les complications à venir auxquels il fallait parer au plus pressé en la mettant entre des mains jugées plus qualifiées. En tout état de cause, la nouvelle du transfert de Bouteflika dans un hôpital parisien, que les Algériens ont appris via les médias étrangers, aura constitué le premier couac de la communication officielle. Alors que l'information était relayée et diffusée en boucle par les télévisions privées algériennes et les chaînes d'information françaises et arabes, les médias officiels algériens continuaient de répercuter inlassablement l'information dépassée de sa présence au Centre national de médecine sportive d'Alger. Le doute n'a pas tardé à s'installer dans les esprits. L'avis des médecins algériens perd le peu de crédibilité qu'il pouvait avoir dans un pays où le problème de la confiance des citoyens envers leurs gouvernants et l'information institutionnelle ne s'est jamais démenti. A supposer que la décision du transfert de Bouteflika ne soit pas motivée par une quelconque urgence médicale, mais qu'elle relève d'une simple coquetterie du président de la République et de son entourage, le préjudice moral causé au pays est tout aussi incommensurable. D'abord aux Algériens qui accepteraient mal que nos gouvernants usent et abusent du privilège du transfert pour soins à l'étranger au moment où nos malades, dont des cas graves, meurent en silence faute, souvent, d'une prise en charge basique au niveau de nos hôpitaux. Préjudice aussi pour le crédit de la communauté médicale nationale et de notre système de santé que nos hommes politiques et toute la clientèle du système et leurs proches boudent sans état d'âme, leur préférant les hôpitaux parisiens et suisses pour se refaire une santé. Dans les régimes autocratiques, le serment d'Hippocrate qui lie le médecin à sa profession et au malade peut-il s'affranchir du poids du système politique en place ? Les questions d'éthique professionnelle et de déontologie médicale s'effacent devant la raison d'Etat, qui se confond avec les enjeux de pouvoir.