La liberté de la presse est l'un des tests où le pouvoir algérien est régulièrement recalé. Eternel mauvais élève de tout ce qui a trait à la modernité et à l'ouverture démocratique, le système en place ne craint pas d'afficher une opposition ouverte aux principes de la liberté d'expression et d'opinion, attributs essentiels d'un véritable Etat de droit. L'Algérie régresse chaque année dans les classements mondiaux de la liberté de la presse établis par des ONG internationales et ne surclasse désormais que les dernières dictatures ou des pays en proie à la guerre civile. Cette image désastreuse d'un pays qui se complaît dans l'ère glaciaire au moment où le monde entier se dirige vers plus de libertés n'embarrasse guère nos gouvernants. Mieux, ils se félicitent d'introduire des textes de loi supposés renforcer la liberté d'expression, comme cela a été proclamé dans le sillage des réformes politiques engagées il y a deux ans, mais qui s'avèrent être au final des dispositifs réglementaires liberticides. C'est le cas du projet de loi sur l'audiovisuel que le gouvernement s'apprête à faire avaliser par le Parlement après son adoption en Conseil des ministres. Les premières lectures de ce document montrent que le pouvoir est disposé à lâcher du lest sur tous les dossiers, y compris, semble-t-il, sur les enquêtes dans les affaires de corruption, mais jamais sur le contrôle des médias lourds. La main haute sur les télévisions et les radios est une véritable assurance-vie pour les hommes du système, dans la mesure où, bien entendu, la limite physiologique n'est pas atteinte. Le pronostic vital du régime en place sera engagé lorsque les médias à très large audience seront véritablement libres. Pour limiter l'impact de la presse écrite, la recette adoptée par le pouvoir est simple, en actionnant le levier redoutable de la gestion de la manne publicitaire, et en renforçant également la stratégie du foisonnement, comme cela a été mis en œuvre pour les partis politiques, noyant ou rendant inaudibles les structures les mieux assises. Pour le champ audiovisuel, le verrouillage sera institutionnalisé, si le projet de loi passera en l'état l'étape législative. Les télévisions généralistes, susceptibles de consacrer une réelle ouverture politique, resteront du seul ressort du secteur public, le privé n'étant admis à investir que dans des chaînes thématiques, pour promouvoir l'art, les sciences et les loisirs, loin de la politique, du débat et de l'information. Soucieux de présenter une vitrine d'ouverture médiatique, le gouvernement a accordé des autorisations à des télévisions généralistes émettant à partir de l'étranger. Le pouvoir fait en vérité le pari que c'est l'opposition démocratique qui essuiera prioritairement les coups de semonce à travers les nouvelles lucarnes, comme cela a été observé récemment, en lieu et place des castes dirigeantes.