Depuis l'avènement de la démocratie en Algérie en 1989, la question de l'ouverture audiovisuelle n'a cessé d'être remise sur la table, oubliant au passage le grand pas effectué en matière de liberté d'expression dans la presse écrite. Mais, en réalité, qui a poussé l'Algérie à accepter enfin une ouverture audiovisuelle au privé? Est-ce le Printemps arabe, Nessma TV, Al Jazeera, les Français les Américains? Malgré les pressions de l'OMC, de l'UE, des pays occidentaux, des ambassadeurs, de WikiLeaks et autres organismes internationaux, le gouvernement algérien, connu pour sa tenacité et sa souveraineté politiques, n'acceptera jamais qu'on lui dicte une vision ou une politique de l'extérieur. Et, contrairement aux apparences, l'ouverture audiovisuelle était dans le tiroir du pouvoir, mais l'occasion n'était pas encore propice pour la faire sortir. La situation politique de globalisation médiatique avait finalement donné l'occasion au gouvernement d'accepter une ouverture mais sous condition. Car depuis 1989, l'Algérie a connu plusieurs tentatives d'ouverture audiovisuelle et de nombreuses pressions des organisations internationales pour ouvrir son champ audiovisuel. Ce furent au départ, les Français et les Allemands au début des années 1980, avec le projet du système Secam et Pal. L'Algérie avait adopté le système allemand avec la promesse de créer sous Chadli de nouvelles chaînes de télévision. Mais le plus grand pas a été véritablement franchi durant le gouvernement Hamrouche (89-91). L'Algérie connaîtra un début d'ouverture médiatique avec à l'époque Abdou B. qui, en pleine montée de l'ex-FIS, avait autorisé l'introduction d'émissions politiques telles que «Face à la presse». C'était la première émission de débat politique avec des partis islamistes et cela avant même l'existence de MBC et Al Jazeera et son émission phare «Bila Houdoud» et au moment où les télés satellitaires n'existaient pas encore. Ce débat politique avait inquiété ses voisins marocains et tunisiens qui captaient la télévision algérienne par le réseau hertzien. En 1991, les évènements liés à la grève générale lancée par le FIS, vont précipiter les choses et conduire le pouvoir à fermer définitivement le champ audiovisuel, accusé d'être le premier responsable des troubles politiques et de déstabilisation de l'Etat. Imaginons un instant qu'à l'heure du live et du direct, si les Algériens regardaient en direct le discours de Boudiaf un certain 29 juin 1992. Mais aux yeux des Occidentaux et surtout des Américains, qui conditionnent l'entrée de l'Algérie à l'OMC, cette restructuration de l'audiovisuel algérien est insuffisante voire insignifiante. Car l'Algérie est le seul pays, hormis le Liban, à possèder une presse écrite indépendante et libre qui, souvent, est critique envers le pouvoir. Aux yeux des observateurs politiques étrangers, c'est une contradiction. Mais le gouvernement voit d'un mauvais oeil la création de chaînes de télévision privées aux mains de ces groupes de presse, tirant sur tout ce qui bouge dans le gouvernement. Une première tentative a failli aboutir en 1996, quand le groupe Mehri, l'une des plus grandes fortunes du pays, a tenté de créer une chaîne proche des islamistes. C'est finalement un certain Moumen Khalifa, nouveau milliardaire, qui va créer la première télé algérienne privée en 2002, mais à partir de Paris: Khalifa TV. Le gouvernement espérait faire de cette télévision, une expérience de plus pour préparer dans le futur l'ouverture aux privés. Khalifa a, au départ, adopté la stratégie de M6, une télévision musicale dans un premier temps, puis généraliste ensuite, allant même jusqu'à créer ses propres programmes et même son JT de 20h. Le gouvernement, qui avait alors exprimé sa bonne volonté, a même autorisé la création d'un bureau composé d'environs 40 éléments venus de la presse écrite et de la Télévision algérienne. KTV avait même signé une convention avec l'Entv pour les archives. Et en l'espace de quatre mois Khalifa TV s'est installée dans le décor du quotidien algérien. KTV s'est même imposée devant les télévisions françaises lors de la visite de Chirac en mars 2003. Mais en mars 2003, c'est la chute de Moumen Khalifa et son empire audiovisuel. Après l'élection présidentielle de 2004, le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, annonce, lors de sa première sortie médiatique que le champ audiovisuel ne sera pas ouvert. Quelques jours plus tard, le gouvernement décide de fermer le bureau d'El Jazeera à Alger, suite à la diffusion d'un débat donnant la parole à des militaires déserteurs de l'armée algérienne. Après cet épisode, l'ouverture audiovisuelle en Algérie est de nouveau renvoyée aux calendes grecques. Même si dans son discours à l'Asbu en 2005, le président Bouteflika avait exprimé le voeu d'avoir des télévisions modernes et numériques qui rivalisent avec les télés arabes et européennes.