L e cinéma algérien s'intéresse de plus en plus à l'histoire immédiate de l'Algérie : les années du terrorisme. Un effet de mode ? Une nécessité ? Le septième art de ce pays a presque ignoré le sujet. En quinze ans, quatre films ont abordé d'une manière ou d'une autre ce qui est appelée «la décennie noire». El Manara de Belkacem Hadjadj, Rachida de Amina Chouikh, L'autre Monde de Merzak Allouache et Parfums d'Alger de Rachid Benhadj. Dans L'Héroïne, long métrage projeté hier à Alger en avant-première, Cherif Aggoun replonge dans la tourmente des années 1990 à travers l'histoire de Achour (Khaled Benaïssa) qui vit «à quelques kilomètres d'Alger». On pense à la Mitidja, là où se sont relayés les MIA, GIA et GPSC et tous les sigles de l'horreur. Aucun sigle n'apparaît dans le film de Cherif Aggoun. Ce n'est d'apparence pas une réécriture d'une certaine réalité. Achour, qui est un agriculteur attaché à la terre, veut aller jusqu'au bout de la récolte malgré les menaces. Houria (Samia Meziane), son épouse, le presse de quitter les lieux. On s'attend donc déjà à l'irréparable lors que Houria embrasse la main de Achour un matin dans une cuisine, lui disant «je n'ai que toi ici». Mais, Houria a bel et bien une famille vivant à Alger. Son frère Ahmed (Arslane Lourari) lui annonce la mort de Djelloul dans une embuscade. Balle perdue. De qui ? On ne le sait pas. Son frère Djelloul (Nadjib Oulebsir) prend le relais à la ferme. Face au racket qu'il subit, il tente d'organiser la résistance au terrorisme. Il rappelle, lors d'une réunion de paysans, la création de groupes d'autodéfense en Kabylie et à Haouch Grau (Boufarik). Fatalement, il signe son arrêt de mort puisque des hommes armés attaquent la ferme familiale à la tombée de la nuit. Les assaillants dans le film n'ont pas de visage ni de voix. On voit seulement leurs pieds et leurs fusils. Ils massacrent la famille, prennent deux filles en otages, mais pas Houria. Elle résiste et sauve les enfants. Une héroïne donc ! Un commandant de gendarmerie (Abdallah Aggoun) le dit tout de go. Trop facile ! Dans les 1990, les autorités avaient besoin de fabriquer des champions antiterroristes. Des champions vite oubliés après «la réconciliation». Le film souffre d'une ennuyeuse linéarité qui le rend plus léger que le sujet qu'il tente de traiter. A Alger, ville curieusement paisible dans le long métrage comme si le terrorisme n'avait touché que les campagnes, Houria fera face à un autre drame à l'intérieur de sa famille : conflit avec la mère, trahison du frère. Evidemment ! Mais où est donc passé le père ? Absent. Y a-t-il une raison à cela ? Faudra le deviner. L'histoire se déroulera ainsi jusqu'à cette fin sous les arbres d'un cimetière. Les cinéastes algériens adorent les cimetières. Allez savoir pourquoi. Dans une démarche presque «allouachienne», Cherif Aggoun a voulu, sans doute par choix politique, défendre la cause de la femme par le prêt-à-penser, le cliché. D'où cette scène exagérée des danseuses dans une fête (au rythme d'une chanson sortie dans les années 2000 ! ) ou cette autre scène où le «gentil» gendarme donne un numéro à Houria pour contacter l'Association des victimes du terrorisme. A l'écran, la controversée Fatma-Zohra Flici, ex-présidente de cette association dans les années 1990, joue son propre rôle. Passons sur les détails. «Dans le film, Mme Flici a utilisé ses propos mots. Je ne lui ai rien écrit. Dès le début, j'ai choisi de ne pas montrer les visages des terroristes. Durant cette période terrible, on ne savait pas qui est qui. Je ne voulais pas identifier à travers un visage ou un costume», a déclaré Cherif Aggoun après la projection presse. L'Héroïne est coproduit par Cilia Film et par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC).