Mustapha Ferfara, le directeur de la SGBV, la Bourse d'Alger, a démissionné. Dans un monde où le marché des valeurs mobilières est un indicateur de conjoncture majeur, ce geste est très important. A fortiori dans un pays où les responsables ne démissionnent presque jamais. En Algérie, il est couvert par les klaxons de la finale de la coupe d'Algérie. Et la polémique sur la dégénérescence avancée du management de Sonatrach étalée au pied du podium de cette même coupe d'Algérie. La Bourse d'Alger n'a pas encore décollé. Elle le fera un jour, mais le directeur de la SGBV ne veut plus attendre. Il s'est beaucoup déployé depuis le lancement de son plan de modernisation de la Bourse d'Alger au second semestre 2011. Pour comprendre le sentiment de découragement qui frappe les «marketmakers», ceux qui devaient créer le marché financier d'Alger, une série de comparaisons assassines. Sept titres cotés, en additionnant les deux compartiments des obligations (en voie de disparition) et celui des actions, qui en comptera 4 avec l'arrivée de NCA Rouiba à la fin du mois, alors que 48 titres sont cotés à la Bourse de Ramallah en Palestine. Au Vietnam la capitalisation boursière atteint déjà 15% du PIB. En Algérie, elle est inférieure à un millième du PIB. Le volume annuel des transactions, deux millions de dollars, ressemble à celui d'une grande supérette du centre-ville. La comparaison avec les voisins maghrébins est encore plus atterrante. La Bourse de Tunis abrite 20% du PIB du pays et celle de Casablanca en atteint 60% avec plusieurs centaines de titres cotés. Au rythme actuel des introductions en Bourse, deux nouveaux titres par an depuis 2011, la place d'Alger atteindra celle de Ramallah en 2033. A mettre en perspective avec 1997, sa date de création. La Bourse d'Alger a même régressé par rapport à il y a dix ans, où elle comptait une demi-douzaine de titres obligataires, les emprunts étant aujourd'hui bouclés, sans être remplacés par de nouveaux. Au final, le pouvoir politique ne veut pas de l'émergence d'un marché financier. C'est la conclusion à laquelle d'autres sont arrivés déjà à la SGBV et à la Cosob, le gendarme de la Bourse. Les deux autres explications qui ont jalonné ces longues années de déshérence ne peuvent plus tenir la route sur une aussi longue distance. La première, le pouvoir politique veut mais l'administration traîne les pieds, n'est valable que dans un espace-temps réduit. La seconde mérite que l'on s'y arrête plus longuement. Les entreprises privées algériennes sont rétives à la transparence et préfèrent le mode de gestion familiale. Cela n'est que partiellement vrai. Dans le sillage de Alliance Assurance, il se trouve une longue liste de prétendants privés à l'introduction en Bourse qui attendent des signes rassurants de la place. Les difficultés rencontrées en 2012 par le titre Alliance pour devenir liquide — c'est-à-dire pour être vendu par ses détenteurs lorsqu'ils le décident — ont fait le tour d'Alger. Et conduit au report de décisions de plusieurs candidats privés à la Bourse. NCA Rouiba a pris sur lui de briser la glace. Mais son opération n'est pas passée comme une lettre à la poste en dépit de la qualité de l'image du groupe et des garanties qu'il offre. La réputation de la Bourse d'Alger est qu'elle ne propose pas une animation digne de ce nom. Les vendeurs et les acheteurs ne s'y rencontrent pas. La faute en grande partie à l'acteur public qui n'assume pas son contrat de liquidités à travers ses intermédiaires en opération boursière (IOB) en majorité à capitaux publics. Les entreprises privées vont continuer à venir à la Bourse d'Alger. Sans doute dans un rythme plus élevé cette année. Biopharm, Maghreb Leasing Algérie, Salama Assurances et d'autres pourraient obtenir leur visa Cosob dans les semaines qui viennent. Mais tout cela restera très insuffisant. Le privé algérien n'a pas le potentiel pour faire décoller la Bourse d'Alger. Alors qui ? Le secteur public, bien sûr. L'ancien directeur de la Cosob, Smaïl, a déploré le fait que les privatisations du début des années 2000 se soient déroulées en dehors de la Bourse d'Alger, lui faisant ainsi manquer une belle opportunité pour se doter d'une assise financière de grande taille. A la sortie d'un séminaire sur «Les avantages de l'introduction en Bourse», la semaine dernière à l'hôtel El Aurassi, Karim Djoudi, le ministre des Finances est resté sur la défensive au sujet du rôle des entreprises publiques dans le décollage de la Bourse d'Alger. Il a attendu que la question lui soit posée pour en parler. Il a évoqué une liste d'entreprises en cours d'examen à proposer à la cotation boursière. Il a surtout répété que cela ne serait pas une privatisation puisque l'ouverture du capital, ainsi opérée par la Bourse, ne dépasserait pas les 20%. Minimaliste, Maghreb Emergent a annoncé, depuis, que les quatre premières entreprises choisies sont Mobilis, Cosider, la CAAR, et le CPA. En 2003, cela aurait été une bonne nouvelle pour la SGBV. En 2013 cela ne suffit même pas à retenir Mustapha Ferfara.