La crise opposant les magistrats d'Alger au bâtonnier de la capitale ne semble pas connaître son épilogue. Les robes noires ne décolèrent pas à la veille de leur AGE prévue le 11 mai. Rappelons que les juges exigent des excuses publiques du bâtonnier en contrepartie du retrait de la plainte déposée contre lui. Une situation de marasme qui n'est pas près de s'estomper. Visiblement, avocats et magistrats de la capitale ne décolèrent pas. Les deux parties s'accusent mutuellement et chacune demande à l'autre des «excuses publiques». Les robes noires se préparent activement à l'assemblée générale extraordinaire prévue le 11 mai, qu'ils consacreront «au débat sur les atteintes au droit de la défense», alors que de leur côté, les magistrats de la cour d'Alger, après avoir soutenu la plainte du juge Tayeb Hellali contre le bâtonnier, conditionnent son retrait par des excuses publiques de ce dernier. En fait, cette crise a éclaté à la suite d'un échange de propos entre le juge Tayeb Hellali (président de la section d'Alger du Syndicat des magistrats) qui présidait le tribunal criminel près la cour d'Alger, durant son audience du 18 avril dernier, et le bâtonnier Abdelmadjid Sellini. Ce dernier déclare avoir été insulté par le juge qui l'aurait qualifié de «fanfaron», alors que Hellali s'en défend en affirmant que c'est l'avocat qui a gravement porté atteinte à sa personne de président du tribunal criminel, en lui disant qu'il était «un petit juge minable et un corrompu». Des propos rapportés par la presse qui ont suscité la colère aussi bien dans les rangs des avocats – dont l'assemblée générale extraordinaire n'a pu être tenue le 24 avril dernier faute d'autorisation – que dans celui des magistrats qui, après avoir observé un arrêt de travail d'une heure en signe de contestation, ont exigé un dépôt de plainte contre Sellini. Les bons offices de certains anciens bâtonniers ont amené Abdelmadjid Sellini et Tayeb Hellali au bureau du président de la cour d'Alger, en présence du procureur général, pour clore le conflit. Mais cela n'a pas été le cas. Les magistrats, avec le soutien de leur syndicat, ont exigé, à la suite d'une réunion à la cour d'Alger, le dépôt d'une plainte contre le bâtonnier qui, de son côté, a maintenu la tenue d'une assemblée générale extraordinaire pour le 11 mai afin de dénoncer ce qu'il appelle «les graves dérives de certains juges qui entravent l'exercice de la profession». Contacté, Me Abdelmadjid Sellini persiste et signe : «Le 25 avril dernier, nous avons demandé une autorisation pour la tenue de l'assemblée générale, mais à ce jour, aucune réponse ne nous a été donnée. A l'ordre du jour de cette réunion, les graves dérives commises par certains juges pour porter atteinte à l'exercice du droit de la défense, mais aussi les dangereuses manœuvres opérées, par-ci, par-là, pour faire pression sur la commission juridique dans le but d'amputer le projet de loi sur le statut des avocats de certains de ses articles. Nous comptons manifester notre mécontentement contre la remise en cause des acquis autour desquels des accords ont été conclus. Les avocats sont de plus en plus inquiets sur le devenir de ce projet de loi. Il y a une mobilisation au niveau nationale. Il n'est pas exclu qu'une réunion avec l'ensemble des barreaux soit convoquée. Aujourd'hui, l'affaire Tayeb Hellali est minime par rapport aux dangers qui se trament.» Interrogé sur les excuses publiques exigées par les juges de la capitale, Me Sellini répond : «S'il y a quelqu'un qui doit s'excuser pour les insultes qu'il a proférées, c'est bien le juge. C'est lui qui m'a accusé publiquement d'être un fanfaron, alors que mes propos ont été prononcés en privé. Je refuse de voir ces dérives à travers un incident qui m'oppose à Hellali, mais plutôt en tant qu'affaire qui concerne tous les avocats à partir du moment où moi, en tant que bâtonnier, j'ai été privé d'exercer mes droits d'avocat et insulté, alors que serait-ce pour les jeunes avocats ?» Pour sa part, le président de l'Union des barreaux, maître Mostefa Lenouar, avance un autre son de cloche. Pour lui, l'incident opposant le bâtonnier d'Alger au juge Hellali «a été clos le jour où les deux parties ont été réconciliées au bureau du président de la cour». Le président dément toute convocation du bureau national autour de la question du statut des avocats actuellement en examen au niveau de la commission juridique du Parlement. «Nous sommes très confiants sur cette question. Nous suivons de près ce qui se fait et nous n'avons aucune information sur le fait que nos propositions soient écartées. Les réunions que nous avons eues avec les députés de la commission juridique ont été très bénéfiques et rien n'indique qu'il puisse y avoir une mauvaise surprise», souligne Me Lenouar. Entre les propos de ce dernier et ceux du bâtonnier d'Alger, il y a discordance. Ce qui prouve que l'«unanimité» recherchée par le bureau du conseil de l'Ordre de la capitale n'a pas eu lieu. Jusqu'à l'heure actuelle, aucun des 14 bâtonniers à l'échelle nationale n'a exprimé sa solidarité avec son collègue de la capitale, alors qu'individuellement, de nombreux avocats d'Alger ne se sentent pas concernés par le conflit. Pour Sellini et son bureau, l'assemblée générale du 11 mai sera décisive.