Washington, Londres et Moscou semblent sur la même ligne de défense s'agissant de la conduite à tenir en Syrie, mais leurs cibles paraissent contradictoires. Après le déplacement apparemment fructueux du secrétaire d'Etat américain, John Kerry, en Russie, en fin de semaine, le Premier ministre britannique a marché hier sur ses traces pour déblayer le terrain à une feuille de route en Syrie. David Cameron a ainsi rencontré hier le président russe Vladimir Poutine avec lequel il a discuté des «mesures communes éventuelles» pour régler la crise en Syrie, dans un contexte d'intenses tractations diplomatiques destinées à mettre fin à ce conflit. Cette visite de M. Cameron à Sotchi, sur les rives de la mer Noire, intervient trois jours après que Moscou et Washington se sont entendus pour rechercher un règlement politique au conflit qui dure depuis plus de deux ans dans ce pays et qui a fait plus de 70 000 morts, selon l'ONU. Une annonce qui a reçu un accueil favorable en Occident, mais froidement accueillie par la Coalition de l'opposition syrienne armée et financée par le Qatar et l'Arabie Saoudite. Celle-ci a clairement affirmé que le départ de Bachar Al Assad constituait une condition sine qua non pour toute amorce de solution politique. Kerry et Lavrov ne se sont pas exprimés sur les détails de leur offre de dialogue politique en Syrie, mais pour les Etats-Unis, le départ d'Al Assad allait de soi. Depuis Rome où il était jeudi en visite, M. Kerry a martelé que Al Assad devait s'en aller. Or, les Russes s'accrochent à la substance de l'accord de Genève qui ne précise pas le sort du président syrien. C'est sans doute l'un des points d'achoppement entre Russes et Américains à propos du règlement de la crise syrienne. Et le déplacement du Premier ministre britannique à Moscou est peut-être destiné à faire entendre «raison» aux dirigeants de la nécessité de lâcher Al Assad. Le fait est que David Cameron va s'envoler lundi à destination de Washington pour y rencontrer le président Obama, soit juste après la fin de sa visite en Russie. En attendant, M. Cameron a affirmé hier avoir discuté avec M. Poutine des «options possibles» pour régler la crise syrienne. «A l'initiative du Premier ministre, nous avons discuté des options possibles pour un développement positif de la situation (en Syrie, ndlr) et des démarches concrètes à cet égard», a déclaré M. Poutine. «Nous avons un intérêt commun, mettre fin rapidement à la violence et lancer un processus de règlement pacifique, conserver l'intégrité territoriale de la Syrie comme Etat souverain», a-t-il poursuivi. David Cameron a lui indiqué qu'il n'était «un secret pour personne» que les points de vue de la Russie et la Grande-Bretagne sur le règlement de la crise syrienne différaient, mais que les deux pays cherchaient le même but : mettre fin au conflit et enrayer l'extrémisme dans le pays. Pour autant, il a salué la proposition d'organiser une «conférence internationale» afin de trouver un règlement politique conforme à un accord conclu à Genève le 30 juin 2012 entre les grandes puissances, proposition sur laquelle se sont entendus Moscou et Washington mardi dernier. Mais rien ne dit que les Etats-Unis et le Royaume-Uni d'un côté et la Russie de l'autre vont mettre fin à leur différend. Serguei Lavrov a indiqué hier que Moscou finalisait les livraisons de ses missiles de défense aérienne à la Syrie, en vertu de contrats signés «depuis longtemps». Une livraison «potentiellement déstabilisante», a commenté John Kerry. «La Russie vend des missiles depuis longtemps. Elle a signé des contrats et finalise les livraisons en vertu des contrats signés. Ceci n'est interdit par aucun accord international», répond Lavrov depuis Varsovie, à l'issue d'une rencontre tripartite des ministres des Affaires étrangères polonais, russe et allemand. Il est tout de suite «taclé» par son homologue allemand, Guido Westerwelle, présent à ses côtés. «Nous sommes convaincus que les livraisons internationales d'armes à la Syrie doivent cesser et que nous devons tout faire pour donner une chance à une solution politique», a affirmé M. Westerwelle. C'est dire que la négociation sur le sort d'Al Assad s'annonce très disputée tant les Russes ne sont pas près de lâcher un homme qui leur assure des milliards de dollars d'importation d'armes. Pendant ce temps, les massacres continuent en Syrie…