A l'approche de la fin du mois d'avril, les 150 000 salariés, militaires et civils que compte l'Autorité palestinienne, n'ont toujours pas reçu leurs salaires du mois de mars. Le nouveau gouvernement palestinien, issu du mouvement islamiste Hamas, boycotté par la communauté internationale, pour son refus de reconnaître Israël, éprouve d'énormes difficultés à verser leur dû aux employés. Le montant mensuel global des salaires est évalué à près de 120 millions de dollars. Cette situation dramatique pour les employés et leurs familles a commencé à se faire sentir dans tous les domaines de la vie dans les territoires palestiniens. A Ghaza, les marches qui, jadis, grouillaient de monde sont aujourd'hui presque vides. les gens n'achètent plus que le strict nécessaire. les marchands, qui ne cessent de faire baisser les prix à cause d'un déséquilibre flagrant entre l'offre et la demande, affirment qu'ils n'ont jamais vécu une telle situation, ni du temps de l'occupation directe de Ghaza par l'Etat hébreu ni depuis l'instauration de l'Autorité palestinienne en 1994. Abou Mhamad, vendeur au marché du camp de réfugiés d'El Chati, dont les étalages sont remplis de toutes sortes de légumes frais, est devenu aphone à force de crier, en vain, pour attirer l'attention des rares clients. « Si cela continue, il est préférable de rester chez soi. Je fais moins de la moitié du chiffre d'affaires habituel. Dans le camp, les gens étaient déjà pauvres mais la situation a fortement décliné au cours de ce mois d'avril. Nos clients on les connaît, la plupart sont des salariés. C'est vrai que je suis commerçant, mais si je ne trouve personne à qui vendre, il me sera très difficile de continuer à subvenir aux besoins de mes enfants. » La même situation est vécue par les autres secteurs dont les supermarchés, les magasins de vêtements, les boucheries... le secteur médical, qu'il soit étatique ou privé, connaît lui aussi des difficultés. Le premier à cause du manque de médicaments, suite à la fermeture par Israël des points de passage entre l'Etat hébreu et les territoires occupés. Situation grave surtout pour les patients souffrant de maladies chroniques, tels que le diabète ou l'hypertension artérielle qui nécessitent un traitement quotidien. A l'hôpital El Shiffa, le principal hôpital étatique de la bande de Ghaza, les responsables ainsi que les médecins craignent ne plus pouvoir subvenir aux besoins des malades. Il y a un grand manque dans les médicaments nécessaires à l'anesthésie utilisés dans les blocs opératoires, ce qui risque d'entraîner l'arrêt pur et simple du fonctionnement de ces blocs avec toutes les conséquences qui peuvent en découler. Les médecins et tout le personnel médical, qui n'ont pas été payés à ce jour, rejoignent quotidiennement leur lieu de travail. Leur inquiétude actuelle n'est plus le salaire mais la poursuite normale de leur travail. Dans le secteur privé, la situation est encore pire. Mhamad Aziz, un médecin dermatologue à Ghaza, se plaint de n'avoir pas vu de malades trois jours de suite dans son cabinet. « cela est compréhensible, les gens se dirigent plus vers le secteur étatique où ils n'ont pas à payer de frais de consultation médicale. Ils réservent leur argent, lorsqu'ils en possèdent, à assurer les choses essentielles pour leurs foyers. Si nous, médecins, nous éprouvons des difficultés, que dire du reste de la population ? » Cette crise financière sans précédent risque de perdurer. Le président Mahmoud Abbas a lancé un cri d'alarme depuis la Turquie où il était en visite. « La perte de l'aide financière est le principal problème car cela menace de provoquer une catastrophe sociale et économique dans notre pays », a déclaré M. Abbas lors de sa rencontre avec le président du Parlement turc, Bulent Arinc. « Nous aspirons à un rôle important de la Turquie car c'est un pays ami qui entretient des relations avec tous les pays de la région et qui est attaché à la paix et à la stabilité », a-t-il ajouté.