Le département de Rachid Harraoubia vient d'ouvrir contre lui un nouveau front en suscitant la colère, cette fois-ci, des doctorants du système classique. Une nouvelle décision communiquée voilà quelques jours aux structures universitaires informe, en effet, sur les conditions d'accès des étudiants du système LMD dans le corps enseignant, le grade d'affectation et le plan de carrière. La durée d'obtention du diplôme et les conditions d'entrée dans le corps enseignant permettent aux nouvelles recrues d'économiser plusieurs années d'études et d'éviter de nombreux obstacles. Une décision qui n'est pas du goût des aînés qui s'insurgent et opposent un niet catégorique à l'initiative du ministre contre ce qu'ils qualifient d'«injustice». «Nous franchissons un véritable parcours du combattant et enfin de compte, on veut dévaloriser notre formation. Ça touche notre dignité et nous refusons de nous soumettre», s'insurge Nabil Dib, enseignant et coordinateur des sections syndicales des universités de Constantine. C'est à partir de Constantine justement que s'organise la fronde. Les enseignants qui multiplient consultations et débats à ce sujet se rencontrent, aujourd'hui, à l'initiative du Syndicat national des enseignants universitaires (SNEU) autour d'une assemblée générale prévue à l'auditorium de l'université Constantine 1. Dans un communiqué diffusé largement auparavant, le syndicat déclare qu'«au moment où plus de 90% des enseignants attendaient la réparation de l'erreur et l'établissement de l'équivalence entre les diplômes de doctorat d'Etat et doctorat ès sciences, tous les deux issus du même système, voilà qu'ils sont surpris par une étrange décision de la tutelle, une décision qui met en équivalence deux diplômes produits par deux systèmes différents, à savoir le classique et le LMD». Un doctorat au rabais Les doctorants du classiques ne s'expliquent pas qu'ils soient mis sur le même pied d'égalité avec des diplômés ayant fait un cursus beaucoup moins important. La comparaison entre les deux parcours fait apparaître clairement le déséquilibre. L'étudiant du LMD passe au second cycle presque d'office et obtient un master 2 au bout de cinq années d'études et un doctorat au bout de sept ans cumulés, sans être soumis à des conditions de passage difficiles. En revanche, l'étudiant du système classique suit un cursus d'études de 5 ans et soutient un mémoire pour décrocher un ingéniorat d'Etat. Il doit ensuite passer un concours, faire des études et soutenir un mémoire pour décrocher un magister ! Ce dernier doit faire au moins deux ans de plus que l'étudiant du LMD et franchir des obstacles qu'on épargne à l'autre ; des obstacles qui par ailleurs forcent les étudiants à travailler plus et permettent de sélectionner les meilleurs avant de les injecter dans l'enseignement et la recherche scientifique. «On forme désormais comme on fabrique du fast-food au moment où il fallait durcir les conditions pour améliorer la qualité de la formation», déplore encore Nabil Dib. Mieux, les conditions de recrutement des nouveaux laissent davantage perplexes les plus anciens. Avec un magister en poche et après avoir passé avec succès le concours, l'étudiant du classique est embauché au rang de maître-assistant de classe B, alors que le second est employé au rang de maître de conférences de classe B, soit un grade plus haut. Il n'a qu'à publier juste un article et après deux ans, il obtient l'habilitation et devient classe A. Le premier, quant à lui, doit s'inscrire au doctorat trois ans de suite pour obtenir une promotion comme maître-assistant classe A. Après cinq ans d'inscription au minimum et après publication d'un article scientifique avec des conditions repoussantes et soutenance d'une thèse, il devient maître de conférences de classe B. Ensuite, et après publication et habilitation au bout de deux ans, il devient enfin maître de conférences de classe A. En bref, ce que l'étudiant LMD franchit en 9 ans, l'autre doit le parcourir en… 18 ans ! On estime entre 500 et 1000 le nombre d'enseignants touchés par la circulaire émanant du secrétariat général du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique dont le contenu est qualifié de provocateur par les syndicalistes. Les foyers de protestation s'élargissent et les jours à venir devraient nous permettre d'assister à un nouveau bras de fer entre la tutelle et les enseignants.